2ème : Jean Alavoine, 88 ptsAu-delà de ses 17 victoires d’étapes, un témoin de la longévité de la carrière de Jean Alavoine est l’écart de 14 ans entre sa toute première victoire, en 1909, et sa dernière, en 1923. Jamais vainqueur du Tour, peut-être que la Grande Guerre l’a privé de ses meilleures années sportives. En 1909, il n’avait que 21 ans et découvrait le Tour. À une époque où la moitié des coureurs abandonnaient, découragés, dès les premières étapes, la prestation de ce jeune Parisien marque les esprits, puisqu’il s’impose après un petit bout de montagne (Ballon d’Alsace, Col de Porte, Rampe de Laffrey, Col Bayard), puis il gagne en solitaire au Parc des Princes, ce qui lui permet de monter sur le podium du classement général. D’autres étapes suivent avant-guerre, ainsi qu’une nouvelle place de 3ème en 1914, cette fois au temps, n’ayant que 37 minutes de retard sur le vainqueur, mais plus d’une heure sur le coureur suivant au classement final. Il perd ensuite de potentielles grandes performances, pour revenir très fort après le conflit, en étant alors âgé de 31 ans, avec une 4ème place pour être meilleur Français du Circuit des Champs de Bataille, ce qui est (physiquement, mais surtout mentalement) peut-être la course cycliste la plus difficile de tous les temps. Quant au Tour 1919, il est encore très marqué du conflit qui vient de se terminer : sur 69 inscrits, seuls 27 coureurs sont en course après la 2ème étape et 10 au retour à Paris. De ce véritable chaos, Jean Alavoine ressort 2ème du classement général et vainqueur de 5 étapes, dont la plus longue de l’histoire du Tour sur 482 kilomètres entre Les Sables d’Olonne et Bayonne et l’étape du Parc des Princes. Triple vainqueur dans l’ultime étape, cette performance sera inégalée au Par cet seulement battu par Eddy Merckx à la Cipale et par Mark Cavendish sur les Champs Élysées. Deux jours plus tôt, il avait perdu 1h31 (sur ses 1h43 de retard final) sur Firmin Lambot, bien qu’ayant terminé 5ème de l’étape. Il faut dire que les 468 kilomètres et un effort d’entre 21 et presque 24 heures étaient sur l’étape la plus difficile de l’histoire du Tour. Le tracé de Metz à Dunkerque n’était pas le plus escarpé, mais il était presque en intégralité sur ce qui a été un front pendant de nombreuses années. Presque partout, la végétation manque encore, au milieu des tranchées et des no-man’s-land. Beaucoup de villages sont partiellement (voire totalement) rasés. On retire encore des obus et autres engins de guerre, alors que la vie reprend et que les coureurs sont sur des restes de chemins à peine empruntables, sur des pavés qui feraient imaginer la tranchée d’Arenberg aussi lisse qu’un billard. L’année suivante, Jean Alavoine abandonne dès la deuxième étape, étant encore fatigué d’un Giro où il est devenu le premier Français à monter sur le podium (il faudra attendre près de 40 ans pour en revoir un) et où il a remporté 2 des 7 premières étapes en individuel, puis fait partie des 9 co-vainqueurs de la dernière étape Milanaise, le sprint final n’ayant pas pu avoir lieu entre ces coureurs, lorsqu’un cheval est venu sur la piste. En 1922, Jean Alavoine porte pour la première fois le maillot jaune, après 3 victoires consécutives, dans la longue étape de la Vendée au Pays Basque, puis dans les Pyrénées sur Bayonne-Luchon et Luchon-Perpignan, pour perdre la tête du classement général après les Alpes, face à Firmin Lambot (comme en 1919), mais surtout face au malchanceux Hector Heusghem. L’année suivante, il remporte ses dernières étapes, encore celles des Pyrénées, puis une toute dernière entre Toulon et Nice, avec le Col de Braus dans le final, avant d’abandonner à cause d’une chute dans la descente de l’Izoard, alors qu’il était 2ème du classement général. Il revient deux années de plus, mais sans gagner, pour des modestes places de 14ème et de 13ème du classement final. Cela marque sa retraite sportive, à 37 ans. Bien des années plus tard, en 1943, il dispute un critérium réservé aux coureurs vétérans. Alors qu’il n’y a à peine plus d’année entre cette course et son dernier Tour qu’entre ce Tour et ses débuts professionnels, cette épreuve est de trop pour lui. Il fait un malaise sur son vélo, pour décéder quelques heures plus tard à l’hôpital.