Comme on pouvait s’y attendre, la première salve d’attaques est lancée dans le col de Chaussy. 14e du général, van Garderen a sans doute été inspiré par le coup de Schleck hier ou de Kruijswijk dans les Pyrénées. Mais l’américain aura fort à faire car il emmène avec lui T.Martin, Voeckler, mais surtout Kiserlovski, 3e du classement de la montagne, Izagirre, vainqueur à Pra-Loup, Andy Schleck, victorieux hier, justement, et qu’on ne présente plus, et Van den Broeck, 9e du général ! Ce groupe de costauds prend une grosse minute d’avance mais les Trek ont loupé le bon coup et décident de rouler. Aussitôt le peloton explose : le groupe maillot jaune n’est plus que de 18 unités alors qu’on n’a pas encore parcouru dix kms ! Dans un second peloton se trouvent Valverde (13e), Poels (10e), Rolland (8e) et Costa (7e). Étaient-ils inattentifs, pas bien, ou font-ils le pari que le rythme va se calmer sous peu ? Quoiqu’il en soit, ce groupe met du temps à s’organiser puisqu’ils pointent déjà à 2 minutes quand les Trek rejoignent la tête de course. Logiquement Fuglsang contre sans attendre, suivi par Purito et tous les anciens membres de l’échappée qui repartent. Ce groupe ne prend pourtant pas de suite le large car De Gendt se met bizarrement à rouler en personne. Veut-il distancer les membres du top 10 piégés ou protéger sa 11e place ? Si c’est le cas il ferait mieux d’attaquer et rejoindre son équipier Kiserlovski à l’avant car il ne pourra pas tenir longtemps seul à ce rythme. Heureusement pour lui, et toujours bizarrement, personne ne veut collaborer avec Izagirre à l’avant, ce qui cause la perte de l’échappée. Le coureur LottoNL Jumbo semble poser problème, car quand Van den Broeck, Voeckler, Purito, Schleck, Kiserlovski, Martin et Talansky repartent, le rythme du peloton se calme. En revanche De Gendt reprend ses gros relais lorsque Izagirre refait l’effort en contre. On observe donc un nouveau regroupement général avant une 4e tentative, qui est cette fois la bonne ! L’échappée du jour est donc composée de Purito, A.Schleck, Fuglsang, Izagirre, Voeckler, Kiserlovski et Roche. Malgré que Froome soit isolé, il n’est pas harcelé car on cherche désormais à récupérer de cette entame folle. Dans ce groupe de 15, seuls Gesink avec Kruijswijk, Contador avec Navarro et Talansky avec F.Schleck possèdent un équipier, ceci expliquant la frilosité à poursuivre la guerre alors qu’il reste trois gros cols à gravir. On peut aussi noter la présence inattendue de Mathias Frank au milieu des cadors. Pointés à 4 minutes, les favoris piégés à l’arrière entament alors enfin leur remontée, ramenant au passage les lieutenants de Froome dans le premier groupe. Devant, Andy Schleck se replace dans la course au maillot à pois en passant en tête au sommet de Chaussy. Ce sera en revanche plus compliqué pour Kiserlovski qui semble déjà en limite de rupture.
Le croate ne reviendra d’ailleurs que tout en bas de la descente où Sánchez tente de s’extirper avant que l’échappée ne soit trop loin. Cependant les Astana lui roulent aussi dessus maintenant que De Gendt a retrouvé des équipiers. Les kazakhs sont secondés par les Giant qui ont décidé de mener grand train dans la vallée. Ils réduisent l’écart de moitié pour que van Garderen puisse sortir dans une petite bosse non-répertoriée. Van den Broeck et Talansky, qui ont aussi loupé le bon coup, veulent le suivre mais n’y parviennent pas et lui roulent finalement dessus. On arrive ainsi vite au sprint intermédiaire, où il reste quelques points à prendre. Goss et Sagan en profitent car ils se sont superbement accrochés, au contraire d’un Hathaway qu’on a vu exploser comme un pop-corn à 3 kms du sommet de Chaussy. Le peloton se relève alors quelque peu et, au prix d’un bel effort, van Garderen revient à l’avant de la course à 13 kms du pied de la Croix-de-Fer. Le groupe ne prend cependant toujours pas le large car les Movistar et Sky ont désormais pris les rênes et se calent sur le tempo de la tête à 2’20’’. L’entente n’y est pas excellente puisqu’on ne collabore pas de bonne grâce avec Schleck. Purito, Voeckler et Kiserlovski ratonnent même allègrement le groupe. Loin de se calmer avec les premières pentes de la Croix-de-Fer, cette étape poursuit son scénario fou puisque Kruijswijk s’extirpe maintenant du peloton ! Le néerlandais est accompagné de son équipier Kelderman, pourtant transparent depuis le début du Tour. Cette fois le peloton ne réagit pas, si bien que le duo bouche rapidement les deux minutes qui le séparaient de la tête de course. Cette nouvelle donne est particulière car on hésite forcément à collaborer avec les Lotto Jumbo. Cependant le rythme d’Izagirre n’est pas assez élevé aux yeux de certains car il ne cherche pas à creuser sur le peloton. Nicolas Roche reprend donc la main et fait aussitôt sauter Kiserlovski et Kelderman. Puis van Garderen paye sa poursuite et lâche à son tour à 9 kms du sommet.
Andy Schleck relance aussi l’allure, et finalement les deux Lotto Jumbo craquent à leur tour. Voeckler se résigne à 5 kms du sommet, puis Rodriguez à 3 sur une attaque du luxembourgeois déchaîné ! Roche et Fuglsang sont plus raisonnables mais basculent déjà avec 1’20’’ de retard. Purito est à 1’45’’, le duo Lotto Jumbo à 4 minutes et le peloton, qui s’est relevé et a même récupéré quelques éléments dans le fin de la montée, à plus de 7 minutes ! Cependant au sommet, De Gendt a attaqué, emmenant avec lui Froome, Contador, Quintana et Coppel. Inattentifs, Gesink, Pinot et Nibali sont piégés ! Cette étape est décidément folle ! L’affaire de Gesink tourne au vinaigre car Froome peut compter sur son équipier Coppel pour faire la descente, alors que Nibali et Pinot ne veulent pas relayer le champion du monde. Cette attitude leur est pourtant fatale car ils subissent une relance en sortie d’épingle qui leur fait perdre la roue de Gesink. Kruijswijk et Izagirre se sont quant à eux relevés pour attendre leur leader. Mais lorsque Gesink retombe sur eux, le groupe maillot jaune est à plus d’une minute alors qu’il reste le Mollard et la Toussuire à gravir ! Pour faire un point sur la course, Roche et Fuglsang ont été attendus par Schleck dans la descente. Au pied du Mollard, le trio possède 3 minutes sur Coppel, Froome, De Gendt, Contador et Quintana, 4’30’’ sur Gesink, Kruijswijk et Izagirre et 6 minutes sur le groupe Pinot ! Coppel jette ses dernières forces pour maintenir l’écart dans la première partie du col, avant de s’écarter. Froome et De Gendt prennent alors leurs responsabilités, mais pas Quintana et Contador qui se contentent de suivre. Loin derrière, Pinot commence à paniquer. Il attaque et n’attend pas Nibali, qui fait pourtant l’effort juste quelques mètres derrière lui. Les deux hommes reviennent donc l’un après l’autre sur les Lotto Jumbo désormais pointés à deux minutes du maillot jaune. Décidément en très grande forme aujourd’hui, De Gendt s’énerve de ne pas être relayé et attaque à nouveau en vue du sommet. Froome est attentif et le suit sans problème. Il y a de toute façon intérêt puisque le belge est le seul à lui prendre des relais. De leur côté, Contador et Quintana ont un moment d’hésitation. Le Pistolero sent quand même le danger et accélère à son tour pour rattraper les roues en début de descente. En revanche Quintana est beaucoup plus crispé. Le colombien paye peut-être son inexpérience car le maillot jaune s’éloigne peut-être définitivement, et Contador peut désormais menacer sa 2e place au général, en plus de passer devant Gesink. Quintana réussit même l’exploit peu enviable de se faire rattraper par Kruijswijk dans la descente. Sur la dernière portion plus roulante menant au pied de la Toussuire, Kruijswijk se dépouille dans un duel à distance face à Froome, De Gendt et Contador, qui participe maintenant aux relais pour distancer Quintana. Ils doivent cependant en garder un peu pour ce dernier col. Kruijswijk inverse donc enfin la tendance pour rejoindre la Toussuire avec plus que 55 secondes de retard sur le groupe Froome. Avant d’entamer cette montée de 18 kms, il y en a déjà de partout et cette guerre très précoce risque bien de faire sauter quelques caissons. Pour faire le point sur les écarts, A.Scheck, Roche et Fuglsang possèdent 1’50’’ d’avance sur Froome, De Gendt, Contador et Rodriguez. Kruijswijk, Izagirre, Gesink, Pinot, Nibali et Voeckler sont à 2’45’’. Poels et Rolland sont à 3’35’’, un autre duo composé de Costa et Velits est à 5’20’’, puis enfin un « gros » groupe de dix unités à six minutes, qui comprend notamment Van den Broeck et Sagan, qui s'est superbement accroché !