Samedi 14 juillet 2018 - Quelque part en France
La foule acclamait les lauréats du jour. Je n'avais pas triomphé, certes, mais j'étais sans doute le plus fort aujourd'hui.
Parti dès le départ, mes adversaires mirent un temps avant de revenir sur moi. Après m'être refait une santé, j'avais tenté à nouveau ma chance puis contrôlé pour les copains qui se trouvaient à l'avant de la course. Le groupe était repris, seuls deux coureurs avaient pu s'extirper juste avant et allaient se disputer la victoire. Le plus, c'est que j'avais un coéquipier devant. Le moins, c'est qu'il manquait d'expérience, malgré des capacités indéniables. Le paysage citadin défilait à toute allure pour ces cinq derniers kilomètres de l'épreuve. La route était sinueuse et abîmée dans le final. Loin d'être un acrobate, je décidais d'anticiper. Ainsi, j'ai fait en sorte de me placer en tête du peloton et de ralentir avant un virage afin de casser le rythme. A la relance, je me suis dressé sur les pédales. Juste l'espace d'un instant. J'ai senti ma mâchoire se serrer. Elle se serrait tellement que je ressentais bientôt une perte de sensibilité. Mes mains agrippaient fermement mon cintre, mes muscles semblaient vouloir sortir de leurs loges. Je baissai la tête et je constatai que j'avais fait le trou. Environ trois vélos, en une fraction de secondes. Je ne me posais donc plus de questions et j'allais donner tout ce que je pouvais pour boucler le dernier tour de circuit. J'emmenais mon 52*11 en écrasant les pédales. La chaleur était assourdissante mais, par chance, la vitesse me permettait de ne pas étouffer. Un nouveau coup d'oeil derrière, je continuais de creuser alors que cela semblait s'activer. Devant, personne à l'horizon. J'allais jouer un accessit. Mieux que jouer, j'allais même le décrocher. Quel écart à l'arrivée, en si peu de kilomètres, sur un tel parcours !
La foule acclamait les lauréats du jour. Encore une fois, nous passions à côté. Mes craintes, une fois encore, étaient devenues réelles. Mon partenaire, échappé à l'avant, n'a pas su gérer la pression lors du sprint disputé à deux, face à un coureur d'expérience. Il a paniqué, a lancé de trop tôt et s'est enfermé du côté où le vent était défavorable. Une aubaine pour notre adversaire qui s'est imposé sur le fil, malgré toutes les conditions réunies en sa faveur.
En montant sur le podium, j'ai ressenti un profond sentiment de solitude... Elle n'était pas là. Elle n'était pas près de moi. Je ne pouvais savoir si elle était fière. Jusqu'au moment où je l'aperçus. Vite. Dépêche-toi, va la voir. Je descendis immédiatement après la cérémonie protocolaire pour me dresser face à elle, entre surprise et joie. Une joie qui a rapidement été balayée par cette phrase, aussi courte que blessante : "Je vois que mon absence ne te dérange pas". Un sentiment d'angoisse m'empara. Je sentais mon coeur palpitait, à nouveau, comme si la course n'était pas terminée. Comme si je disputais la course qui me permettrait de conserver, de réparer cet amour qui nous déchirait à petit feu. Cet amour qui causait tant de désagréments. Cet amour qui avait une emprise négative sur moi. Cet amour qui m'avait éloigné de ma ligne de conduite, à de multiples reprises, à son profit. Pour quoi ? Est-ce cela, l'amour ? Malgré tous mes efforts, une fois encore, je compris. Je compris qu'ils étaient vains, je compris que je n'étais pas à la hauteur. Tout du moins, c'est ce que je ressentais sur l'instant. C'est ce que je ressentais mais ce n'était pas la vérité. La vérité, c'est que le problème, c'était elle.
Et, courageusement et avec une peine et une douleur non dissimulées, je pris la décision de continuer d'avancer seul. Finalement, rien ne vaut la solitude. Rien ne vaut la solitude, mais il me manque désormais quelqu'un avec qui le partager.