Étape 1 :
La semaine débute d’ailleurs par un parallèle troublant, avec une longue étape sans relief marquée par les averses et un vent soutenu. Pas assez violent pour provoquer des cassures, il amène tout de même de la tension tout au long de la journée jusqu’à la chute massive presque inéluctable. Entre les coureurs touchés, les ralentis et les sacrifiés pour attendre leurs leaders, il n’y a plus que 26 coureurs dans le premier groupe avec moins de 25 kms à couvrir ! Parmi eux, peu de grosses pointures puisque seuls deux FDJ fatigués et un Lotto Jumbo se relaient pour respectivement Bouhanni, Breschel et Hathaway, qui font figure de têtes d'affiche dans le premier groupe. Cancellara peut ainsi rentrer, au terme d’une démonstration solitaire s’il vous plait, puis d’autres groupes viennent augmenter la taille du premier peloton. Cependant Vandenbergh, échappé solitaire, en a profité pour reprendre ses distances. Avec plus d’une minute de marge à cinq kms du but, il file vers la victoire. Mais la chasse se réorganise face au vent, et soudain le belge craque dans le dernier talus à trois kms du but. Les meilleurs sprinters y produisent leur effort de loin, Goss fait la meilleure et impression et avale le pauvre Vandenbergh sous la flamme rouge. Bouhanni et Petit ne sont pas loin, mais les trois hommes ont gaspillé des forces aux sprints intermédiaires, et se sont vus trop beaux face à des rivaux plus prudents qui les débordent désormais. Sergio Henao et Cancellara se mêlent avec brio à la lutte, mais la victoire se joue entre le surprenant Taborre, le revenant Farrar, et Hathaway, qui fait la différence dans les derniers mètres ! Il ne prend pourtant pas le maillot de leader car, grâce aux 18 secondes récupérées en cours de route, Vandenbergh s’offre un beau lot de consolation. Plus de 2’30’’ derrière, c’est en revanche la soupe à la grimace pour plus de la moitié du peloton dont plusieurs outsiders comme Voeckler, Ballan et Burghardt.
Étape 2 :
La deuxième étape n’est pas moins mouvementée, puisqu’un gros groupe se fait la malle en début de course mais que la bonne échappée met plus de 80 kms à partir. À l’image de Boom et Breschel, plusieurs LottoNL-Jumbo ont tenté de profiter de cette poursuite précoce pour sortir mais n’ont pas obtenu de bon de sortie. C’est donc Van Emden qui passe la deuxième moitié de course en tête avec Tom Scully, de l’équipe invitée Rapha. Le rouleur néerlandais récupère au passage quelques secondes de bonifications en vue d’un éventuel maillot de leader après le chrono. Il ne pourra cependant pas obtenir d’avantage, car malgré la fatigue les FDJ et les Etixx contrôlent le duo jusqu’à la ligne droit finale où Bouhanni nous gratifie d’une magnifique explosion en règle. Parti au moment opportun, Michael Van Staeyen, de TopSport, surprend Goss et Guardini, excusez du peu, pour décrocher la plus belle victoire de sa carrière ! Terreur du circuit continental en 2013 avec dix victoires et une deuxième place au circuit Europe Tour, le belge relance bien sa carrière.
Étape 3 :
Si les deux premières journées étaient plates comme la main, la troisième présente quelques reliefs dans le troisième quart de parcours. Rien d’insurmontable à première vue, mais les LottoNL Jumbo décident d’y faire exploser la course dans les côtes les plus raides. Un groupe d’une quinzaine d’unités se projette ainsi en tête de course. Le vent de panique passé, deux groupes parviennent cependant à rentrer pour porter à 35 les coureurs en tête de course ! Logiquement, le rythme ne baisse pas pour enterrer les attardés, et les plus faibles ne peuvent pas tenir jusqu’au bout. C’est notamment le cas du leader Vandenbergh, qui craque dans les cinq derniers kms. Ceux ayant roulé lâchent aussi au fil des kms, à l’image de Van Emden et, plus surprenant, Matti Breschel. Présenté comme l'un des favoris de la semaine, le danois s’est sacrifié pour Boom, Hathaway et Kelderman, les trois LottoNL-Jumbo à finir dans le premier groupe. Dans le final, les forces commencent à manquer parmi les équipiers. Sur une étape similaire l’an dernier, Maaskant en avait d’ailleurs profité pour piéger le peloton. Lars Boom répète donc la tactique en sortant à moins de six kms du but. Malheureusement pour lui, il se fait aussitôt chasser par Fabian Cancellara en personne, qui fait jeu égal avec Boom sans pouvoir rentrer. Cependant le travail du suisse est crucial car les sprinters ont encore le jump pour sauter le néerlandais dans les tous derniers hectomètres. Ni Goss, ni Bouhanni, n’y sont pourtant parvenus, au contraire d’Hathaway. Mais le gallois ne termine que troisième, battu par Rojas et surtout le jeune Jasper Stuyven, qui justifie le travail de son illustre leader par son premier, et très inattendu, succès en World Tour ! Les autres gagnants sont Bouhanni, nouveau leader du général, et tout de même Boom, qui a récupéré 4 secondes de bonifications sur un SI en bosse. Les perdants sont bien plus nombreux alors qu’on n’a pas entamé les étapes dites décisives. Breschel, Chavanel, Gatto et Kaisen pointent à 2’16’’, Devenyns à 3’46’’, Wiggins et Wynants à 5 minutes et Offredo à plus de six ! Ginanni, lui, est carrément rentré à la maison après une grosse chute. Il manquera à Sagan pour la fin de saison. Ils ne sont donc plus que 21 coureurs en lice pour le général dont beaucoup n’ont aucune référence sur les pavés. Fort de ce constat, la victoire finale devrait se jouer entre Cancellara, Boom et Langeveld, trois habitués de l’Eneco.
Étape 4 :
Sur 7400 mètres, le chrono de mi-course ne peut pas enterrer un concurrent mais donne au vainqueur un avantage psychologique. Avant les prétendants au général, Wiggins occupe longtemps le fauteuil de leader, résistant pour une seconde à Chavanel. Le britannique ne terminera pourtant que 6e, d’abord devancé de justesse par Van Emden, lui-même débordé par Kelderman pour deux secondes. Langeveld bute assez nettement sur ce chrono, mais les deux compères sont battus par un Machado visiblement très en jambes ! Puis Cancellara atomise la référence en roulant presque deux secondes plus vite au km que le portugais ! Boom ne peut rien faire. Malgré sa deuxième place du jour et les bonifications de la veille, il laisse Spartacus prendre le leadership du général.
Étape 5 :
Sur la 5e étape empruntant plusieurs monts des Flandres dont certains pavés, les meilleurs classicmen ont donc tout intérêt à mettre à mal les moins bons. Dans cette optique, les Lotto Jumbo ne se cachent pas en accélérant à plusieurs endroits décisifs. Parmi les coureurs placés au général, le premier à être distancé est le sprinter Taborre, vite imité par Bouhanni et De Troyer. Ils sont cependant encore 40 dans le bon coup au pied du Vieux Quaremont, au positionnement décisif à 15 kms de l’arrivée. Breschel et Boom y font le forcing au pied, mais Cancellara est tout autant en maitrise que l’an dernier. Il hausse progressivement le rythme et revient sans s’affoler juste au sommet. Les deux favoris s’étant neutralisés, aucun ne trouve d’intérêt à rouler et Langeveld peut revenir. Lui non plus ne collabore pas : on joue visiblement la gagne et rien d’autre puisqu’on n’enterre pas des hommes dangereux à l’arrière. Matthew Goss est le premier à en profiter, puis un petit groupe comprenant Hermans, Rojas et Stuyven revient à son tour. Le jeune belge ne se sacrifie pas non plus pour Spartacus, et Hathaway peut lui aussi faire la jonction. Machado et Barguil sont à peine à trente secondes, menaçants, alors Breschel donne enfin une impulsion au groupe maintenant que son sprinter britannique est rentré. L’écart se creuse à nouveau, avant que le danois sorte en solitaire sans qu’on sache trop comment, et que le rythme retombe aussitôt. Lars Boom essaye alors de profiter de la situation. Comme l’avant-veille, il attaque à l’aube des 5 derniers kms. Mais Cancellara ne se fait pas piéger. Il se dresse aussi sur ses pédales, et avec l’aide de Rojas et Hermans, revient sous la flamme rouge. Le quatuor se neutralise, mais rejette le reste du groupe à 27 secondes ! Personne n’y ajoute de bonification car la victoire s’est jouée entre les rescapés de la grosse échappée matinale qui s’est disloquée dans le Vieux Quaremont. Bernard Eisel a fini le boulot par une accélération bien sentie sous l’arche des 5 kms à laquelle Smukulis n’a pas su répondre, le laissant filer vers la victoire. À l’heure des comptes, ils ne sont plus que huit dans la même minute que Cancellara. Machado, Kelderman, Bakelants, Simon et Barguil terminent dans un premier groupe d’attardés à 1’20’’. Henao, leader des Sky, est encore une minute plus loin.
Étape 6 :
Après les Flandres, les coureurs mettent le cap vers les Ardennes et une étape très vallonnée en circuit s’achevant au sommet de la bien connue Côte de la Redoute. C’est d’ailleurs dans l’avant-dernier passage de cette difficulté que le 10e du général, Wilco Kelderman, lance les hostilités. Le néerlandais prend de suite une minute de marge face aux Trek de Cancellara, bien aidés par les Giant et les Europcar. Pour ces deux formations, Barguil et Voeckler lancent un contre au sommet de la côte des Chambralles, à 14 kms de l’arrivée. Ils sont accompagnés par un autre français en la personne d’Offredo, mais ce trio ne fait pas de différence car Stuyven se sacrifie désormais du côté de la Trek. Le belge, 7e du général, s’écarte finalement dans la côte de Niaster, avant-dernière bosse du jour. Kelderman est alors à 35 secondes, à portée de fusil pour Ben Hermans qui accélère ! Désormais isolé, Cancellara ne peut pas laisser de champ au 3e du général et fait donc l’effort pour recoller, suivi de Simon, Bakelants et Barguil dans un deuxième temps. De son côté Lars Boom fait confiance à Paul Martens, qui imprime un bon rythme en tête de peloton. L’allemand n’est toutefois pas impérial car Henao fait aussi la jonction avec le groupe de contre, qui a récupéré Kelderman mais qui ne s’entend pas vraiment. Julien Simon en profite pour s’isoler à la relance pendant que ses anciens compagnons sont avalés en début de descente. Le français fait belle impression, il oblige Cancellara à défendre son maillot sur ce final roulant. La machine suisse est évidemment dans son élément au point d’annihiler l’offensive du coureur Europcar au pied de la Redoute. Bakelants contre aussitôt sans que Cancellara puisse, ou ai besoin, de réagir. Comme dans Niaster, Henao sort alors à contretemps car le peloton semble déjà à bloc, incapable de revenir sur le belge qui ne se rassoit toujours pas. Hermans, 9e de la Doyenne au printemps, est théoriquement le plus à même de s’illustrer, mais il semble marqué par son attaque précédente, comme Cancellara qui recule, et Boom. Devant Bakelants impressionne. Il ne lâche pas un mètre à Henao et continue de creuser sur ses autres poursuivants. C’est peut-être la plus belle montée de sa carrière, et c’est à coup sûr, comme Van Staeyen et Stuyven avant lui, sa première victoire en World Tour ! Il avait malheureusement perdu du temps hier et reste donc derrière Hermans au général. Le belge finit au chaud dans le premier groupe de dix coureurs dont Lars Boom ferme la marche. Le néerlandais s’est accroché de justesse, mais c’est suffisant pour signer la bonne opération du jour. Cancellara est en effet juste derrière au classement, mais trente secondes le séparent de son rival. Il paye d’avoir été isolé avec sa position à défendre dans le final. Boom s’empare donc du maillot de leader devant Hermans et Cancellara !
Étape 7 :
Le dénouement de cette semaine se dessine de l’autre côté de la frontière, dans le Limbourg néerlandais. Il y a deux ans, la même étape reprenant le final de l'Amstel et arrivant au sommet du Cauberg avait été proposée. Chavanel avait réglé un groupe de cinq coureurs seulement. Le général peut donc encore être chamboulé, d’autant plus après la démonstration de Bakelants la veille, et les difficultés de Cancellara et Boom. L’équipe du leader détone en tout cas par rapport aux Trek la veille, car ils se désintéressent totalement de l’échappée. Les Lotto Jumbo s’attirent ainsi les foudres d’autres équipes. Mais les néerlandais n’ont aucun intérêt à rapprocher les rivaux de Boom des bonifications, et les Etixx et Europcar finissent par chasser derrière l’échappée de quinze qui s’est constituée. Celle-ci se maintient moins de trois minutes devant le peloton jusqu’au final où les Lotto Jumbo se replacent en tête. Ben Hermans est le premier à attaquer à 17 kms de l’arrivée avec Simon et Offredo. Voyant Boom en second rideau, Rojas, Cancellara et Bakelants y vont à leur tour. Mais le leader peut encore compter sur plusieurs équipiers, dont Breschel qui ramène tout le monde dans le rang. Seul Julien Simon insiste, ayant plus de retard au général. Mais Hermans ne s’avoue bien sûr pas vaincu. Après trois kms il y retourne dans l’antépénultième bosse, le Geulhemmerberg, avec Rojas et Offredo. Là encore Breschel se montre intraitable, reprenant le belge dans la descente menant au Bemelerberg. Le danois imprime ensuite un gros train dans la montée, les Lotto Jumbo semblent imprenables quand un évènement fait basculer le final. Premier repris de l’échappée, Sénéchal oublie les règles élémentaires du cyclisme et bloque complètement certains concurrents dont Barguil (9e), Machado (10e) et Henao (12e), mais surtout Hathaway et Boom ! La cassure se fait sur ces routes étroites, sous l’impulsion de Breschel qui ne réalise pas le danger à temps. Aussitôt le danois et Kelderman se relèvent. Avec Martens ils tentent de ramener leur leader mais le mal est fait ! Cancellara et Hermans ne se privent pas pour enterrer le second groupe, et se rapprochent même de l’échappée où Julien Simon, revenu, est désormais seul à rouler. Les Lotto Jumbo ne baissent pas les bras à l’arrière, inversent la tendance et après une chasse effrénée, reviennent miraculeusement à 1500 mètres du but. On est cependant déjà au pied du Cauberg et Boom n’a pas le temps de récupérer, ni de se replacer. À l’avant, Simon tergiverse, ce qui permet un énorme et miraculeux regroupement général sous la flamme rouge. Dans ce groupe de plus de trente coureurs très étiré, il est cependant impossible de se replacer avant le sprint où des cassures peuvent encore bouleverser le classement. À force d’attendre, Simon se fait surprendre par le démarrage de De Backer à 700 mètres du but alors que Goss arrive lancé de l’arrière. Le français doit donc démarrer à son tour, le match à trois fait rage, mais c’est finalement l’australien qui devance ce podium hétéroclite entre un favori, un outsider ayant anticipé et un échappé matinal ! Juste derrière, Cancellara est bien mieux qu’hier mais ne reprend rien à Hermans, lui aussi dans le coup. Les passages s’égrènent, Hathaway et Boom coupent la ligne en 24e et 25e positions, mais heureusement aucune cassure n’est décomptée. Après une 3e place en 2012 et une 2e en 2013, Boom remporte donc enfin l’Eneco Tour ! C’était aussi l’une des rares courses qui manquait résistait aux Rabobank depuis trois ans. Pour l’anecdote, Barguil et Machado ont été moins costauds. Ils sortent du top 10 au profit de Simon et Kocjan. Le slovène est d’ailleurs le seul membre du top 10 qui n’était pas dans le premier groupe sur la troisième étape.
Classements annexes :
CLASSEMENT FINAL DE L'ENECO TOUR 2015 :