À Mende et Pra-Loup, cela fait deux étapes que
Froome ne se montre pas impérial dans le final. Alors, simple passage à vide ou signe d’une condition qui décroit ? Nous en aurons une meilleure idée aujourd’hui avec le retour d’un col Hors Catégorie, le Glandon. Son sommet est néanmoins placé à 40 kms de l’arrivée, y attaquer serait donc risqué pour les outsiders au vu de la force de l’équipe Sky. Si rien n’a bougé, une dernière explication pourra avoir lieu dans la trouvaille 2015 d’ASO : les lacets de Montvernier à 10 kms de l’arrivée à Saint-Jean-de-Maurienne.
Le col Bayard, attaqué dès la sortie de Gap, met de suite en évidence les velléités offensives de très bons grimpeurs.
Andrew Talansky, 30e et loin de ses ambitions initiales au général, est le premier à mettre le feu aux poudres. L’américain est suivi par
Kruijswijk et
Andy Schleck, rien que ça ! Le néerlandais s’est relevé hier, il est désormais 23e du général à plus de 20 minutes de
Froome et a donc des libertés. Après être passé en tête au sommet, il se relève pourtant, laissant filer ses deux compères. Cependant, nombreux sont les coureurs à être sortis à tour de rôle à leur poursuite. Ils sont pour l’instant éparpillés sur la route mais rentrent assez rapidement dans les faux plats descendants qui suivent. On retrouve ainsi à l’avant
Joaquim Rodriguez,
di Gregorio,
Tony Martin et
Bakelants, déjà présents hier, plus
Sorensen et
Navarro. Un quatuor est à leur poursuite, composé de deux Lotto Jumbo,
Gallopin et le vainqueur d’hier,
Izagirre, ainsi que deux Movistar :
Madrazo et
Valverde, 15e du général !
Gallopin roule cependant pour quatre sans parvenir à creuser sur un peloton mené par… les Ag2r. L’attitude des français pose question puisque leurs leaders
Velits et
Monfort sont 19e et 20e du général et n’ont donc aucun intérêt à revenir. Mais Ag2r obtient finalement gain de cause et se relève une fois le contre repris, ce qui permet aux huit hommes de tête d’enfin prendre le large. L’écart est de 3’ au pied de la côte de la Mûre où
Izagirre essaye de nouveau de sortir avec
Gallopin ! Les LottoNL Jumbo veulent visiblement avoir des relais à l’avant mais les Ag2r ne l’entendent toujours pas de cette oreille. Cette offensive échouée a donc de nouveau rapproché le peloton de l’échappée, qui accélère dans le col de la Morte.
Di Gregorio puis
Tony Martin sont ainsi distancés. Toujours sur un bon rythme, le peloton passe à trois minutes, déjà réduit à 57 unités !
Plusieurs coureurs chutent dans la descente technique dont
Tschopp, déjà touché à plusieurs reprises hier, et
Peter Sagan, qui s’était pourtant bien accroché en vue du sprint intermédiaire. Il repart néanmoins sans dommage. La situation connait un statut quo jusqu’au pied du Glandon, abordé avec 2’40’’ de retard par le peloton. Cela peut sentir mauvais, cependant
Andy Schleck prend de gros relais alors que, comme hier, la Sky fait travailler
Van Avermaet et
Thomas, laissant l’écart remonter Vainqueur d’une étape l’an dernier,
Navarro ne récidivera pas puisqu’il est vite décramponné. À plus de 16 kms du sommet,
Sorensen craque à son tour. Personne ne prend de relais au luxembourgeois qui se montre impressionnant. Coup de bluff de ses adversaires ? Pour en avoir le cœur net,
Andy Schleck attaque à 12 kms du sommet et un seul homme tient sa roue. Etonnamment pas le grimpeur le plus renommé, ni le plus économe puisqu’il était déjà devant et très bon hier, il s’agit de
Jan Bakelants ! Le belge se montre meilleur que
Rodriguez et
Talansky, tous deux dans le dur.
Bakelants fait encore illusion trois kms avant de logiquement lâcher prise à 9 kms du sommet. À ce moment, l’écart est remonté à neuf minutes et on commence à repenser au scénario de la veille où tout le monde s’était laissé endormir. Il n’y a d’ailleurs pas besoin de bluffer pour remarquer qu’au moins un des lieutenants de
Froome est dans le dur. Il s’agit ni plus ni moins du plus fort d’entre eux,
Henao, visiblement mal remis de sa chute de la veille. À la demande de son leader,
Izagirre réveille donc le peloton. C’est un gros coup de collier donné par le basque qui reprend
Navarro et
Sorensen en un rien de temps, et a surtout réduit le peloton à 25 unités. Quand il s’écarte,
Kruijswijk prend aussitôt le relais.
S’il fait le forcing,
Gesink n’ose pourtant pas attaquer, peut-être refroidi par la longue descente à venir. Il le faut pourtant pour mettre
Froome en difficulté, ce que tente
Pinot sur une portion plus facile à 6 kms du sommet. Inattentif hier,
Nibali réagit donc de suite aujourd’hui, emmenant
Contador,
Poels et
Gesink avec lui !
Froome n’y va pas de suite, alors
Quintana l’attaque à son tour, comme
Costa ! Le maillot jaune ne peut donc plus se cacher ; est-il de nouveau en difficulté ? Si c’est le cas il fait encore illusion car il se fait violence pour revenir avant la courte descente qui précède la dernière rampe. Ce regroupement engendre donc une phase d’observation où quelques équipiers peuvent recoller.
Rolland tente une attaque infructueuse dans la descente, mais c’est
Pinot qui, intenable, en remet une bonne dans la dernière portion. Le français fait exploser le groupe !
Quintana et
Rolland font l’effort pour revenir, alors que
Gesink suit le tempo de
Kruijswijk, toujours là ! Quelques mètres derrière,
Froome a de nouveau mis du temps à réagir mais revient petit à petit. C’est en revanche plus dur pour
Contador, qui connait à son tour un jour sans, et pire encore pour
Nibali qui reste avec les autres membres du top 10 ! Dans le dernier km de montée,
Kruijswijk et
Gesink reviennent sur le duo
Quintana-
Rolland, mais sont eux-mêmes repris par
Froome. Le plus dur est passé pour le maillot jaune.
Pinot est quant à lui revenu sur
Bakelants et se lance dans la descente avec toujours 4’20’’ de retard sur
Schleck. Le luxembourgeois n’a que très peu perdu et a sûrement course gagnée à moins d’une grosse craquante. Le groupe
Froome est à 20 secondes de
Pinot,
Contador à 50 et
Nibali à 1’30’’.
À la poursuite de
Pinot, on ne s’entend pourtant pas pour distancer
Contador.
Quintana mène mollement la poursuite car il possède de la marge au maillot blanc, et le Pistolero finit par revenir. Cela ne change pas la donne puisque
Nibali effectue aussi son retour avec
Valverde,
Costa et l’étonnant
Jeannesson.
Pinot est alors à 1’30’’. Autrement dit,
Quintana possède virtuellement encore 1’30’’ de marge et ne demande donc pas à
Valverde de rouler.
Gesink, lui, ne possédait que deux minutes d’avance sur
Pinot. Visiblement fébrile et après de vifs échanges avec
Kruijswijk, son lieutenant se dévoue enfin pour rouler. Cependant l’on connait les qualités de descendeur du néerlandais qui ne reprend rien au français. Dans la portion plane avant les lacets de Montvernier, il décide alors d’attaquer, ce qui désorganise de nouveau le groupe : personne ne veut rouler ! Pris à son propre jeu,
Gesink craque en premier et doit rouler puisque
Pinot le devance désormais de 2’30’’, non sans avoir porté une attaque infructueuse auparavant. Dans les premiers lacets de Montvernier,
Gesink se dresse à nouveau sur les pédales mais
Quintana est toujours aussi attentif pour sauter dans sa roue. Cette fois
Froome est aussi très réactif. La hiérarchie du Glandon se dessine logiquement à nouveau puisque
Contador et
Nibali lâchent prise.
Gesink se rassoit mais se fait alors contrer par
Froome et
Quintana ! Le maillot irisé essaye d’atténuer le choc, revient sur
Kruijswijk qui ne lui est d’aucune utilité, mais ne parvient pas à rentrer sur les deux premiers du général. Plus serein que
Gesink,
Quintana et
Froome ont attendu le moment opportun et roulent maintenant pour rattraper un
Pinot en souffrance. Le colombien semble d’ailleurs satisfait de sa deuxième place car il ne cherche pas à distancer son rival anglais.
Pinot est en visu au sommet et se fait reprendre dans le faux plat qui suit, où
Gesink continue de perdre quelques secondes. Il passe à trente secondes du trio sous l’arche des 5 kms, trente secondes devant un autre trio composé de
Contador,
Nibali et
Rolland. Le français ne collabore pas et fera le jump dans les derniers kms, mais hormis ça les écarts restent stables jusqu’à la ligne. Alors qu’on l’a cru en difficulté à un moment,
Froome gérait en fait parfaitement et signe donc la bonne opération avec ce temps repris et ces bonifs.
Quintana et
Pinot sont les autres gagnants du jour. Le français sort d’ailleurs
Nibali du top 5, mais il espérait sûrement mieux lorsqu’il s’est envolé dans la descente du Glandon. S’il remonte sur le podium en lieu et place de
Contador,
Gesink voit cependant le jaune s’éloigner. Dans la valse du fond de top 10, les belges
De Gendt et
Van den Broeck coupent la ligne à plus de sept minutes du vainqueur !
De Gendt sort du top 10 où re-rentre
Rolland.
Costa gagne trois places, il est désormais 7e. Enfin, avec toute cette bataille, n’oublions pas
Andy Schleck, qui signe quasiment dans l’indifférence une superbe victoire. Il s’agit d’ailleurs de la 4e victoire des Liquigas sur ce Tour, et surtout du 18e vainqueur différent en autant d’étapes, une statistique inédite dans l’histoire du Tour !