L’autre enjeu de la journée est le maillot à pois. 7 sommets sont répertoriés, soit autant d’opportunités pour Acedo de revenir à hauteur d’Atapuma. Le basque n’est pourtant pas de la première échappée qui part quasiment au baisser de drapeau. On retrouve en son sein des habitués qui ont su bien se placer sur la ligne de départ : Gilbert, Devenyns, Wegmann, De la Fuente, Pardilla, Porte, Duarte, Cabello, Rohregger, Bonnafond, Torres et surtout Atapuma et Poels ! Le maillot à pois, 12e du général à moins de trois minutes de Majka, peut assurer son maillot bien aujourd’hui, mais c’est surtout le néerlandais, 6e du général, qui représente une grosse menace ! Il joue en tout cas son va-tout, ce qui oblige les deux équipes Lotto à mener la chasse. Les gros gabarits de Benoot, Breschel et Hansen sont cependant moins efficaces que les échappés qui ne tiennent pas tous le rythme de Poels. Le néerlandais devance d’ailleurs Porte et Atapuma au sommet. Seul Bonnafond accompagne encore les trois grands grimpeurs alors que le peloton bascule avec déjà 1’50’’ de retard. C’est désormais le branle-bas de combat. Les Target viennent à leur tour aider pour défendre la position de Taaramae, puis la Sky entre dans la danse. Le peloton perd de nombreux éléments dont Dan Martin, dont la seconde moitié de Vuelta tourne au cauchemar. Les bosses intermédiaires sont avalées à vive allure, puis Bonnafond craque dans l’Alto de Tineo, deuxième difficulté du jour. Au sommet, Poels prend encore les points devant Porte et Atapuma, ce qui fait les affaires d’Acedo. Le peloton n’a toujours rien repris malgré qu’il se soit réduit à 30 unités. Poels a décidé de prendre tous les risques et se montre vraiment impressionnant en ce début de course !
Le trio entame alors la portion qui leur est la plus défavorable. Ils ont cependant tout intérêt d’insister car les équipiers manquent à l’arrière. Roche n’a plus que Vanendert à ses côtés mais peut heureusement profiter des Movistar et Sky, seules équipes à posséder plus de deux éléments (respectivement 4 et 3). Anton, Rojas et Chaves se sacrifient donc pour rentrer avant le troisième col. L’échappée est quant à elle obligée d’en garder pour la suite, ce qui permet finalement un regroupement dans la descente. La temporisation qui s’en suit autorise une vingtaine de coureurs à rentrer, menés par Sagan et Samuel Sánchez. Mais ils n’auront pas le temps de récupérer, car la route se cabre de nouveau, et aussitôt Poels repart à l’offensive ! Il est suivi avec un temps de retard par Atapuma, tandis que Chaves et Kiryienka mènent le peloton. Ils ne sont néanmoins pas aussi forts pour maintenir l’écart dans des proportions raisonnables. Lorsque celui-ci atteint les 2 minutes, Porte se rend compte qu’il a loupé le bon coup et part en contre. Il possède toujours 1’30’’ au sommet, se fait la peau pour rentrer dans la descente tandis que le peloton a basculé à 3‘30’’. Cette petite période de calme permet à 20 nouveaux coureurs de rentrer et porter le contingent du peloton à 70 unités. Dans la courte portion plane, Bryce pour Target et Swift pour Sky prennent de gros relais. Puis Martens les remplace après le SI avec quant à lui Atapuma dans le viseur. Au pied de l’Alto de Tenebredo, premier col de 2e catégorie du jour, l’écart a fondu à 1’30’’ mais repart aussitôt à la hausse dans les pourcentages. Il remonte à 3’45’’ au sommet où Poels continue sa moisson. Vanendert est désormais bien seul à mener une cinquantaine de coureurs. Il reste 65 kms dans cette étape folle.
La situation se stabilise ensuite jusqu’au pied de l’Alto de Cordal à 45 kms de l’arrivée. Les Movistar, encore à six (!), décident alors de remettre un coup d’accélérateur. Ils ne font pas semblant, si bien que le trio de tête perd soudainement beaucoup de terrain. Ils en avaient jusque-là gagné dans les montées, mais cette fois leur avantage tombe à 30 secondes quand Rojas et Anton s’écartent alors simultanément ! Devant un si petit trou à combler, les attaques reprennent donc de plus belle avec Brambilla et Fuglsang. Ce duo revient d’abord sur Porte, puis l’italien, très costaud, laisse le danois sur place ! Il revient sur Poels et Atapuma au sommet, qu’ils franchissent avec 50 secondes sur un peloton de 37 unités. Il en perd perd encore quelques-unes dans la descente car Vanendert y prend des risques. Puis Anton fait le pied de la Cobertoria à bloc. Valverde doit vraiment avoir de grandes sensations pour, malgré la fatigue accumulée depuis le départ, attaquer au sprint ces 9,7 kms à 8,9% de moyenne. Le trio ne peut d’ailleurs pas imiter cette course au carton et se fait vite reprendre. Le rythme se calme alors légèrement, mais Froome trouve encore les ressources pour accélérer ! Il place un démarrage surpuissant, seulement suivi par Brambilla et Pozzovivo. Derrière on est logiquement plus prudent puisque Vanendert roule toujours. Mais le belge ne tient que quelques hectomètres seulement et, comme un signal, Roche se fait attaquer de toute part lorsque Vanendert s’écarte. Roche fait cependant preuve d’un grand sang-froid en se concentrant sur Schleck qui, lui, reste pour l’instant tranquille. Majka et Intxausti sont aussi à ses côtés, et c’est même le basque de Lotto Jumbo qui le ramène sur le groupe que menait Velits. Tout est à refaire, sauf pour le trio Froome-Brambilla-Pozzovivo qui s’envole.
Caché jusqu’à présent, Schleck profite alors de la jonction pour contrer. Il se détache avec Velits, Valverde et Valls, mais les trois V ne tiennent pas longtemps la roue du luxembourgeois déchainé. À son habitude, Roche gère au train. Il ne sert à rien de se mettre dans le rouge alors qu’il reste encore un col à venir. Cependant la situation se détériore rapidement. Il semble bien moins en jambes que les jours précédents car il est incapable de suivre Taaramae et Intxausti, qui se détachent au train ! Cette dure journée a exagéré les différences de niveau, si bien que les écarts se creusent à une vitesse hallucinante. Au sommet, Froome et Pozzovivo possèdent 25 secondes d’avance sur Brambilla, 1’10’’ sur Schleck, 3 minutes sur Velits, Valverde et Valls, 3’55’’ sur Taaramae et Intxausti et 4’20’’ sur Majka, Roche, Nieve, Barguil et Fuglsang ! Autrement dit, Schleck s’est virtuellement rapproché à moins d’une minute du maillot rouge, et Froome tout près du podium ! Poels, lui, a logiquement explosé après sa journée trop offensive. Il va perdre gros.
Dans la descente, les groupes ne s’attendent pas mais les écarts se stabilisent. On semble en garder car, après cette journée épique, il faut encore se farcir 7 kms à plus de 10% de moyenne. Seul Froome ne semble pas impressionné car il attaque avant-même la fin de la descente ! Pozzovivo n’arrive pas à suivre l’anglais. Bien que out pour l’étape et depuis longtemps largué au général, il n’attend pas Peter Velits. C’est la première fois qu’il a des jambes sur cette Vuelta, alors il préfère privilégier une placette personnelle plutôt qu’un résultat d’équipe… Conséquence de son transfert déjà annoncé ? Bref, revenons à la course où Taaramae attaque au pied de la montée. Pour ne pas se retrouver seul, Intxausti répond à cet effort violent tout en maudissant la tactique de l’estonien. Les deux hommes font en tout cas la jonction avec Velits, Valverde, et Valls qui ne relaie toujours pas en protection de Froome. La suite du col est ensuite bien plus monotone. Chacun gère ses maigres forces restantes pour atteindre le sommet. Au-dessus du lot, Froome creuse ainsi sur tous ses adversaires ! Il ne faiblit pas jusqu’au sommet où il remporte sa deuxième victoire consécutive ! Loin derrière, Pozzovivo et Brambilla conservent leur podium, on ne les attendait clairement pas à ce niveau aujourd’hui. Schleck termine dans la roue de l’italien, à 2’14’’ de Froome. Mais ce sont les écarts derrière lui, et surtout la mauvaise journée ("enfin !", diront certains) de Roche, qui l’intéressent. Le suspense reste entier car le maillot rouge n’a jamais défailli, au contraire de Barguil et Intxausti dans les 5 derniers kms. Protégé par Valverde à l’avant, Nieve a quant à lui fini en boulet de canon après avoir profité des relais de Roche et Majka jusqu’aux 3 kms. Valls était dans la même situation avec Froome à l’avant, il coupe la ligne en 5e position… près de 3 minutes après Schleck ! Velits, Valverde, Nieve et Taaramae le suivent à distance les uns des autres. Puis enfin Roche en termine, 6’26’’ après le vainqueur. Plus concrètement, il débourse 4’12’’ sur Andy Schleck. Alors qu’il semblait si solide, il passe en une étape 13 secondes derrière le luxembourgeois qui s’empare du rouge ! Intxausti termine encore une trentaine de secondes plus loin, soit à 7 minutes de Froome. Lui est éjecté du podium par l’énorme retour de Froome ! Enfin Brambilla double Barguil et Nieve au général, et rentre dans le top 10 aux dépends de Poels. Le néerlandais a été le grand animateur du jour mais, on pouvait s’y attendre, le paye cher sur la ligne : + 9’40’’.