Si ce n'était qu'une question de choix entre vivre vieux ou pas...
Le dopage actuel ramène sur la scène le risque de mort durant l'effort. Pour le reste, avant de mourir, il provoque des dégats dont on subit les conséquences très jeunes : problèmes rénaux, musculaires, nerveux... Sans parler des cancers, qui tuent lentement pendant des années. Toi qui ne veut pas connaitre la dégénérescence à 70 ou 80 ans, avec le dopage, tu risques fort de l'avoir à 40 ou 50 ans. On ne peut affirmer ne pas fumer ou ne pas manger de cochonneries, pour rester en bonne santé (par exemple - je ne sais pas si c'est le cas de certains ici) et choisir le dopage.
Je ne dis pas que le dopage est sans conséquence, mais il faut arrêter avec les mythes. Ce que tu dis est réel mais très loin d'être généralisé. Bien encadré, les risques du dopage se révèlent bien moindres. Jalabert, Rebellin et plein d'autres cyclistes des années 90 se portent extrêmement bien physiquement à bientôt 45 ans.
L'hygiène de vie compte tout autant. Un coureur comme Rebellin est extrêmement pro et cela se ressent sur sa santé. Gaumont lui n'avait aucune hygiène de vie, il buvait et se droguait même après sa carrière.
Le choix dépend aussi de son environnement familial. Quand on a la responsabilité d'une famille, et d'enfants en particulier, difficile d'être égoïste et de se foutre de disparaitre jeune, parce qu'ensuite, ce sont eux qui paieront pendant des années.
Quand on a 59 ou 77 ans, qu'on a besoin d'assistance, ce sont les proches qui doivent payer la note : expérience vécue et certainement plus douloureux qu'une mort prématuré. Simple opinion.
Il y a également la question de la mise au pilori, lorsque l'information sort. Une fois convaincu de dopage, et même à la retraite, la vie change aussi. On le voit avec des commentateurs ou des managers virés, et des confessions publiques dont on imagine les dégats qu'elles font sur l'entourage, en particulier femmes et enfants. Leur reste-t-il des amis ? Comment leur famille les accueille ensuite, après des années de tricherie et de mensonge ?
C'est le point qui me freinerait le plus.
Cependant quand je vois la vie que mènent d'anciens dopés aujourd'hui comme Armstrong et Ullrich, je ne les plains pas.
Déjà dit, mais la carrière de cycliste est courte. Être anonyme et gagner 3500€/mois pendant 12 ans, ce n'est pas beaucoup. Une fois que tu sors du cyclisme, tu ne vaux rien ailleurs. Donc des commentateurs/managers virés, c'est pas la chose qui me touche le plus.
Ajoutons encore que se doper n'est en aucun cas une garantie de gagner. Dire "je me serais doper parce que je préfère gagner plus" est faux : on se dope en espérant gagner plus. Mais à la sortie, combien on réellement gagné ? Pas tant que ça... On peut tout autant se retrouver avec un carrière à la Ricardo Ricco ou à la Rumsas, ou même plus certainement, identique à celle de dizaines de coureurs qui restent anonymes, même dopés.
Tout ça c'est énormément de risques, personnels et familiaux, et des conséquences irréversibles, pour un gain plus qu'incertain et finalement assez maigre.
Personnellement, je me doperais uniquement si je serais en mesure de gagner des grandes courses. Sinon je trouve le vélo trop contraignant. J'ai un très bon diplôme donc je me rabattrais sur autre chose.
A titre personnel, il y a un facteur supplémentaire : l'éthique. Je ne peux pas vivre en trichant ou en trompant les autres. Ce que j'ai, ce que je gagne, je veux le mériter, réellement. C'est une morale personnelle et une question de bien-être pour moi. Je serai incapable d'être heureux et de trouver le sommeil autrement. Cette dernière raison est sans doute l'ultime barrière qui m'aurait tenu à l'écart du dopage.
Facile à dire.
Crois-moi, les coureurs des années 90/00 n'avaient pas une âme plus tricheur que les autres. Mais quand tu découvres le milieu et l'engrenage, un coureur honnête, sans trop de diplôme avec peu de moyens, peut très bien passer de l'autre côté de la barrière.