Masere a écrit:Umb a écrit:Mais y a-t-il vraiment des vies indignes d'être vécues ?
Pose la question ainsi à 100 personnes et peut-être 80 te répondront que non, aucune vie n'est indigne d'être vécue, car la question est plutôt bateau et interroge les gens sur leur propre empathie de manière immédiate.
Pose la même question différemment et tu observeras des différences: "Si un homme s'introduit dans une école avec une arme, tire au hasard sur les enfants et retourne l'arme contre lui, sa vie était-elle indigne d'être vécue?" (c'est arrivé aux USA). Cela revient au même: si une seule vie est indigne d'être vécue, alors il existe des vies indignes d'être vécues. Et la réponse à ta question amèneras très certainement une majorité de personnes à répondre qu'il existe des vies indignes d'êtres vécues. En contradiction avec le premier résultat.
Cette question n'est selon moi pas applicable au débat sur le suicide assisté. Le point central est la possibilité d'un être humain X de continuer une vie digne et/ou sans souffrance. Cela ne fait plus appel à l'empathie, mais à la compréhension la plus objective possible d'une souffrance. Un appel à la raison et pas aux sentiments: cette personne possède-t-elle des alternatives concrètes à sa situation actuelle ou future? Peut-elle (peut-on) les mettre en place pour l'aider à vivre?
Et à titre personnel, non, je ne pense pas que toute vie humaine mérite d'être vécue. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille y mettre un terme prématurément, simplement que certaines sont vaines. Mais j'ai tendance à trouver pas mal de choses assez vaines en ce moment
Pas convaincu du tout même si je te lis toujours avec intérêt.
Ton exemple du criminel ne fonctionne pas à mes yeux.
(j'écarte le sujet de la peine de mort mais si on est contre et qu'on veut être cohérent...)
Déjà parce qu'on entre dans un cas de discernement altéré que tu évoquais - on ne peut faire ce genre d'horreur en étant sain d'esprit.
Mais même si ce n'était pas le cas, même le pire des criminels garde le droit de vivre une vie digne, certes privée de liberté pour des questions de justice, de sécurité... Mais avec la possibilité de la dignité, de la reconquérir même en payant sa faute.
Je retournerais ton raisonnement plutôt : il suffit d'une seule personne qui pense qu'une telle vie est digne d'être vécue malgré tout pour qu'on ne puisse être catégorique dans l'autre sens.
Pour le suicide assisté, je le redis la dignité n'est pas l'absence de souffrance, qui n'est pas le bonheur.
On ne peut préjuger de la suite, il y a des maladies, des engrenages, mais il y a aussi des gens qui "reverdissent", des cheminements intérieurs, des surprises, des joies, il n'y a pas de fatalité, tu l'as bien expliqué par ailleurs.
(par ex ton sentiment actuel de choses vaines actuel évoluera, c'est certain)
Qui peut avoir la certitude (même la dame complaisamment mise en avant par ce Trissotin 2.0 d'Hugo Clément) que rien ne changera de sa vie et déléguer en conséquence la responsabilité immense et strictement personnelle de la vivre ?
Car c'est ce qui est en jeu : quand bien même "rien ne changerait", la question n'est pas tant celle du bonheur individuel que de la responsabilité collective d'ouvrir une brèche béante dans le caractère "sacré" de la vie.
C'est la boîte de Pandore ensuite.
Une vie qui n'est pas "rentable", pas assez "productive", pas assez "épanouie", difforme, cabossée, pas assez conforme aux injonctions au bonheur et au développement personnel martelées partout par le "système" sera-t-elle jugée aussi digne qu'une autre plus "performante" ?
Qui jugera de ça ? Sur quels critères ? Les plus influençables trouveront-ils la force de juger leur vie assez digne ?
Les plus fragiles auront-ils toute leur place ?
Veut-on d'une société où chaque vie sera susceptible de ne plus être jugée assez digne ?