vino_93 a écrit:Les pays baltes se sont qd même fait rappeler à l'ordre par la communauté internationale (et notamment l'UE) en ce qui concerne la gestion de leur minorité russophone (ou autres d'ailleurs, les non citoyens Lettons ou Estoniens sont aussi juifs, polonais, ukrainiens, etc) ...
Ces pays se construisent ils plus par adhésion à l'"Occident" ou par rejet profond des Russes ? C'est peut-être à cause de l'option deux qu'ils sont peu mis en avant
(même si j'ai bien conscience qu'il y a une part des deux, mais il y a peut-être une part importante moins "noble" que l'autre
)
Il y a en effet deux problèmes majeurs ici: le cas des minorités et le cas des non-citoyens (l'un ne recouvrant absolument pas l'autre et j'insiste là-dessus pour le coup).
Mais dans les deux cas, la situation est très loin de ce qu'elle a pu être et précisément là aussi je trouve que l'exemple renvoyé est plutôt positif.
Commençons par les non-citoyens, une situation qui concerne notamment la Lettonie avec un nombre non négligeable encore aujourd'hui. Ces non-citoyens, quasi exclusivement russophones, peuvent à tout moment obtenir la nationalité lettone, il leur suffit de passer un test de langue et de culture lettones. Il faut bien admettre ici que ce n'est fondamentalement pas la mer à boire et qu'on peut difficilement trouver ça choquant. Aujourd'hui, s'il reste des non-citoyens, c'est bien plus de leur propre (mauvaise) volonté que de celle des gouvernements. Les non-citoyens refusent de parler le letton et donc fondamentalement refusent de s'associer à l'Etat letton. On ne peut pas forcer des personnes qui ne le veulent pas à faire partie d'un tout qu'elles rejettent.
Après, bien évidemment, sur les marges on peut toujours trouver à redire (par exemple, accorder un droit de vote aux élections locales à défaut de le faire aux élections nationales). Mais sur la question "est-ce que les gouvernements lettons et estoniens ont fait preuve d'ouverture à leurs non-citoyens?", il me paraît difficile de considérer qu'ils leur ont fermé la porte.
(au passage, pour un Etat qui venait de renaître et qui venait enfin d'être décolonisé (car c'est de ça dont il s'agit), on peut saluer la relative mesure dans le traitement des Russes justement. Il aurait pu en être largement autrement.)
Sur le cas des minorités maintenant, hormis une double instrumentalisation - celle de la Russie de Poutine et celle de certains mouvements politiques ou associatifs cherchant à conserver leur pouvoir - les problèmes sont très largement exagérés et fondamentalement chacun vit bien ensemble.
Prenons le cas de la Lituanie et de la minorité polonaise, les Polonais de Lituanie étaient mécontents car ils craignent pour l'éducation polonaise en Lituanie et revendiquent de pouvoir utiliser les lettres de l'alphabet qui n'existent pas en lituanien. Admettons pour la seconde revendication. Mais la première est un exemple d'une vaste dramatisation par les politiques polonais de Lituanie qui cherchent à souder leur minorité derrière eux. Bien sûr que fondamentalement il y a toujours des choses à améliorer et à défendre, mais jouer la démagogie et la minorité menacée, c'est un jeu dangereux et minable. En réalité, les Polonais ne sont pas discriminés et leur langue n'est pas interdit. Le vrai problème, c'est que certains Polonais de Lituanie refusent de se voir seulement de la sorte, ils ne sont pas que Polonais. Or pour les associations et partis de la minorité, si des membres de leur groupe choisissent de voir plus loin que leur seul groupe, ça veut dire un affaiblissement de leur pouvoir. Fondamentalment, ils ont donc tout intérêt à une situation de confrontation. La fameuse stratégie de jouer sur les peurs alors même que tout pourrait être traité avec sérénité, comme ça se fait ailleurs
Maintenant sur les russophones de Lettonie et d'Estonie, il y a déjà les non-citoyens qui eux refusent de s'inclure dans l'Etat en question alors que la porte leur est ouverte. Et largement. Le letton est une langue des pauvres et des paysans historiquement tandis que le russe est la langue des élites. C'est ainsi que le russe a très largement conservé une place extrêmement importante dans les sociétés en question. Et un Letton qui ne parlerait pas russe est ainsi profondément handicapé dans la vie de tous les jours. Le russophone de Riga, il a tout pour lui fondamentalement. Là où les choses sont plus difficiles ce sont pour les russophones de Latgale, une région pauvre et sinistrée. Mais leurs difficultés éco sont plus le fait de la région où ils vivent que de leur langue.
On peut noter que Riga est dirigée par Harmonie, le parti de la minorité russophone. Je ne sais pas dans quel pays une minorité "discriminée" pourrait se retrouver aux manettes de la capitale de l'Etat
En Estonie, la situation est encore moins problématique. Les russophones vivent leur vie tranquillement et sont bien intégrés. Comme en Lettonie, ils sont bien représentés dans la capitale et donc dans la vie éco. Le parti du centre (qui n'est pas que le parti des russophones mais qui est le parti pour qui les russophones ont tendance à voter et sont bien représentés en son sein) contrôle la capitale mais désormais aussi le gouvernement. Le premier ministre estonien actuel est en effet issu de ce parti, dur donc d'y voir une quelconque volonté discriminatoire là-dedans. Et plus largement, on peut noter que les russophones d'Estonie sont plus Estoniens que Russes malgré tout
Globalement, tout ça est question d'intégration. Les minorités si elles sont intégrées n'ont aucun problème. Le problème consistent en toutes ces minorités en marge (soit par refermement communautaire, soit parce que concentrées dans des régions défavorisées). Bien entendu les gouvernements et populations des Etats baltes peuvent agir (et le doivent), en montrant aux minorités qu'elles sont considérées, en désenclavant les régions défavorisées où elles vivent, en leur montrant qu'il y a des perspectives pour tous. Mais tout ça ne peut marcher que si cela trouve une volonté de s'intégrer en face. Dans le cas de l'Estonie, plus riche, plus développée et plus moderne, on peut être optimiste sur la suite. Dans le cas de la Lituanie et la Lettonie, la situation me paraît plus compliquée (moins de moyens, moins de perspectives à offrir, plus d'isolement des minorités, plus d'instrumentalisation communautaire) hélas.
Quant à ta question finale, il y a des deux. Mais je dirais que ça dépend pas mal des moments. Bien entendu, au départ, c'est la prise de distance avec la Russie qui dominait. Maintenant, je ne crois pas qu'il n'y ait que ça. L'idée nationale est un tout, la méfiance vis-à-vis de la Russie est une chose, mais elle n'est pas la seule et l'adhésion à l'"Occident" en est une autre. Il est quelque part logique de se définir par rapport à son voisinage, donc rien de honteux à le faire par rapport à son voisin russe. Mais la définition ne se fait pas que par opposition à quelque chose, elle se fait aussi de manière positive. Prenons l'Estonie par exemple, elle s'est développée en tant que e-nation, elle se veut à la pointe de l'innovation, se définir comme un pays moderne est un autre axe de développement d'une identité nationale. Et pour le coup, on peut considérer que ça s'inscrit pleinement dans "l'adhésion à l'Occident"