Extrait du CR de mon week-end :
https://legruppetto.com/forum/viewtopic.php?p=1275872#p1275872Comme prévu, le réveil n’est pas si difficile. L’excitation est là. Les derniers préparatifs sont rondement menés. J’enfile deux barres en guise de petit déjeuner et nous nous enfonçons dans la nuit lilloise pour retourner à la gare. Un passant qui revient de soirée engage la conversation et nous rappelle que Trifon aurait sans doute tout à fait pu nous apporter le petit déjeuner. De fait, il vient tout juste de poster un message sur le Gruppetto et sera sans doute couché après notre lever.
Arrivée en gare de Lille Flandres, je cherche avec fébrilité de quoi m’acheter un complément pour mon petit déjeuner. Ce sera finalement le distributeur automatique. A 5h15, l’activité n’est pas à son maximum. Petite pensée pour Valou à la vue du train qui arrive de Douai, mais le notre est déjà annoncé au départ. Dans 2h, nous serons à Busigny. Avant ça, notre premier TER arrive à Aulnoye où nous attendons le vétéran Mr Suki. Nous l’apercevons finalement et le rejoignons rapidement dans son train. Il n’attend pas pour nous mettre la pression. « Vous avez pensé aux élastiques au bidon ? Et votre GPS est bien attaché ? Vous savez que vous allez souffrir toute la journée ? ». Bref, les techniques de vieux briscard ont commencé et c’est pas prêt de s’arrêter. Néanmoins, j’applique à la lettre ses conseils et ficèle à coup d’élastique l’un de mes bidons. Généreux, Akit me dépanne de quoi attacher mon GPS. Leinhart aussi, mais il arrive à emmêler son collier de serrage avec les élastiques de son Garmin
Il ne sera pas plus en réussite avec les élastiques et décide finalement d’abandonner leur installation. Il faut dire que son montage à base de scotch et de papier journal a l’air tout à fait infaillible
Nous arrivons finalement à Busigny où Akit nous emmène au retrait des dossards. Mon maillot Brooklyn Chewing gum de Roger de Vlaeminck fait déjà quelques émules parmi les flamands que nous croisons. Pas autant que celui d’Akit, qu’un photographe est tout content de photographier pour mettre sur son « blog patriotique ». Elle est belle l’armée de terre à venir faire de la propagande nationaliste
C’est finalement le grand départ direction Roubaix à 7h55. L’adrénaline est à son max, le vent dans le dos aussi. J’en ai assez peu parlé mais la confiance n’était pas trop là depuis la semaine passée. Seulement 700 bornes au compteur cette année, un we épouvantable la semaine d’avant… Mais dans ces conditions c’est bien différent et je n’ai pas peur de bien appuyer sur les pédales en attendant le premier secteur pavé. Leinhart m’accompagne en tête du petit groupe qui s’est formé tandis qu’Akit avoue nous « ratonner », trop inquiet qu’il est à l’idée de péter le premier
Mais encore une fois, ce ne sera pas sa dernière fourberie
De toutes façons le premier secteur est proche, et cette fois Akit sort de l’ombre et prend la tête à l’entrée du secteur. Ma stratégie est simple : là où Akit passe, je passe, et je ne lâche pas sa roue. Résultat, Troisville est avalé à près de 33km/h. Leinhart nous rejoint peu après sur l’asphalte. Il vient à ma hauteur et me montre son porte-bidon… vide. Akit avait prévenu que le premier secteur était un slalom entre les bidons abandonnés par les concurrents. Finalement, le seul bidon tombé à notre passage était celui de notre Toulousain
Ironie du sort
En revanche, Thor a disparu des radars et nous repartons à trois vers les prochains secteurs. La liste est longue alors je ne la détaillerai pas, mais je prends beaucoup de plaisir dans ces prémices de l’enfer du nord
Comme la course est encore longue, nous nous regroupons après chaque secteur et c’est l’occasion de débriefer un peu. Le pavé est sec, le vent est de dos : ça promet du spectacle pour demain. Peu avant le ravito, Leinhart semble avoir quelques fourmis dans les jambes et ni moi ni Akit n’osons le suivre. Il enclenche à plus de 35 sur l’asphalte et nous met rapidement quelques hectomètres. Le dernier secteur est cependant assez dur et j’en profite pour le rejoindre. Appelé par la nourriture, Akit ne tarde pas à recoller à son tour et nous arrivons tous les trois au désormais très fameux premier ravito. Notre capitaine de route distille ses conseils et insiste sur le fait de bien prendre son temps. Paris Roubaix est une course d’usure et se précipiter peut se payer cash. La consigne est prise au pied de la lettre et Leinhart et moi prenons notre temps pour remplir notre bidon. D’autant qu’il ne lui en reste plus qu’un et que les occasions de le remplir se feront assez rare. Après quelques minutes, nous cherchons Akit de vue. Absent. Encore 5 minutes en espérant le voir refaire surface. Absent. Finalement, c’est Thor qui arrive alors que nous allions enfourcher notre vélo. On le laisse se réapprovisionner en vitesse et on repart tous les trois. Il faut se rendre à l’évidence : Akit nous a fait le coup du ravito
Pas grave, il nous a suffisamment répété qu’un « 25 de moyenne serait déjà satisfaisant », que de toutes façons « il allait péter avant la trouée » et que le match avait lieu « entre lui et Thor ». Pas de doute, nous le reverrons dans peu de temps. Nouvelle sournoiserie de celui qui compte déjà 3 reines des classiques à son palmarès.
La belle unité du Gruppetto va alors voler en éclats. Thor se laisse décrocher assez vite tandis que Leinhart et moi continuons notre route ensemble. J’avoue que je suis fébrile dans la roue de Fabio ce Felline (même si, n’en déplaise à Trifon, la ressemblance n’est pas flagrante). J’attends avec impatience un nouveau secteur pavé pour rivaliser plus sereinement. Mais à la sortie de l’un d’entre eux, peu avant la Trouée (oui ce CR va être très long
), Leinhart semble avoir clairement lâché du terrain puisque je ne le vois pas revenir. Certes Haveluy a fait mal et je me dis qu’un écart conséquent a pu s’y creuser, mais l’hypothèse d’une crevaison, ou d’une chute, n’est pas à exclure. Me voilà en tout cas seul, à environ 110km de Roubaix. Des mecs me rattrapent mais me déposent la plupart du temps. J’engage la conversation avec « Le Double D » qui m’avait déposé un peu avant mais que j’ai repris sur le pavé d’Haveluy. Le gars m’explique sans pression qu’il ne doit pas se mettre trop dans le rouge en vue du Marathon de Paris qui se tenait le lendemain. #AlerteGrosGazierTier1.
Puis c’est enfin la Trouée d’Arenberg. Terrifiante, excitante aussi. L’entrée est neutralisée et se fait sur la bande de roulement. Un téméraire enjambe les barrières et s’élance sur le pavé déjà trempé. Plus sage, je me contente de suivre l’orga. Mes premiers coups de pédale sur le pavé sont terribles. Il est glissant, fourbe comme une attaque au ravito, étroit, sans aucune issue de secours. Les mecs devant moi déchaussent, chassent, tombent, se retiennent sur les barrières, gémissent… Je ne démarque pas dans ce tableau comique et absurde. Guère rassuré, je m’élance mais glissent à mon tour. Direction l’herbe où j’espère trouver de quoi me relancer. Sans succès. Direction la bande de roulement pour contourner les gars à la peine devant moi. J’esquive ainsi le pire de patinoire et surtout la foule qui s’est amassée dedans. Je finis ensuite le dernier kilomètre sur le pavé, toujours glissant et piégeux mais désert, la plupart des concurrents préférant emprunter le bas-côté roulant. A la sortie, j’avoue que mes souvenirs commencent à se perdre un peu
J’entame ma partie la plus dure psychologiquement. La tête refuse de faire les efforts nécessaires et les groupes successifs qui m’accompagnent sont totalement désorganisés. J’attaque Pont Gibus sans grande détermination et fait mon premier écart notoire sur un bas-côté de terre. Un peu honteux, je me ressaisis et retourne sur le haut du pavé pour finir le secteur dans la douleur. Les mains commencent à piquer et pile au moment où je me rends compte, un grand pschit se fait entendre. Tout cycliste a déjà vécu ça, mais paradoxalement la pilule passe plutôt bien. Un anglais compatissant me double alors et je lui lance un « this is a real Paris Roubaix now »
Je profite de cette crevaison pour manger un bout puis je me lance dans la réparation. Difficile de regonfler à 5,5 bars à la pompe à main avec une ampoule déjà presque percée
Je jette régulièrement un œil aux cyclos qui passent : Leinhart ne m’a pas encore doublé et en toute logique il devrait passer sans tarder. Pourtant, je ne le vois pas et la thèse de l’accident est de plus en plus crédible. En fait, le Flyby m’apprendra qu’il m’a bel et bien doublé à ce moment-là.
Pas grand-chose à signaler jusqu’au second ravito. Je scrute sur chaque secteur pavé une banderole du Gruppetto. Je ne sais plus très bien où ils avaient prévu de venir mais je les ai ratés à la Trouée et j’espère bien les voir ailleurs. En fait, plus exactement, ils m’ont loupé à la Trouée
Je suis en galère et je paye clairement mon manque de caisse. J’attends avec impatience de pouvoir manger un peu. Arrivé sur place, je prends beaucoup de temps pour boire, manger, retirer manchettes et jambières, envoyer un petit message à mes supporters… bref, tout est bon pour reprendre un peu confiance. En fait, sans le savoir, je viens d’être la victime de la deuxième attaque ravito de la journée :shock : Alors que j’étais revenu sur Leinhart, celui-ci, m’apercevant très certainement à mon arrivée, repart sans moi. La chasse n’a pas vraiment lieu, il évolue un niveau au-dessus et si je le distançais sur les premiers pavés, ce n’est plus le cas à ce stade de la course. La fin passe étonnamment assez vite. Les mains sont de plus en plus douloureuses, les avant-bras sont complètement crispés et douloureux, et la tête, secouée par tous ces secteurs et en plein soleil depuis plus 5h se fait elle aussi sentir par des petites piques aiguës. Mais le vélodrome est en vue : 50 bornes, 40 bornes… ça devient une distance tout à fait raisonnable et à laquelle je suis habitué. Et puis le Carrefour de l’arbre approche, cette fois pas de doute, je ne vais pas rater mes amis gruppettistes
Mons en pévèle est vite avalé, je bourrine dans Camphin en Pévèle et l’enchainement avec le CDA est difficile. Mais je sais qu’au bout, le chrono et la caméra m’attendent alors je m’emploie comme il faut. La ligne d’arrivée n’est-elle pas au bout ? Sans compter qu’ils sont 5 à m’attendre à la sortie, je dois faire bonne impression. Finalement, je suis surpris de ne voir personne une nouvelle fois. Je ne vous cache pas que la seule explication plausible est un problème de… Leinhart ! Je l’ai perdu de vue, or il aurait dû me dépasser depuis longtemps… Simple supposition, j’ai tout à fait pu le rater à Pont Gibus et qui sait, peut-être que je l’ai battu à la régulière
Gruson est en approche, mais cette fois je passe mon tour et profite de la large bande sur le bas-côté. J’envoie quelques bons gros relais jusqu’à Willems où le dernier secteur se passe sans problème. L’excitation est là, le vélodrome et moi ne sommes plus séparés que par un peu d’ashaplte
Un blessé sur le bord de la route me rappelle toutefois que tant que la ligne n’est pas franchie, le rêve peut encore être brisé et se finir dans le sang
Un rappel à la prudence qui n’entache pas ma hâte d’arriver. Les fameux ponts d’autoroute avec Roubaix sont un petit régal et je passe tous les faux plats sur le petit pignon. A Roubaix, le peloton qui s’est formé slalome entre les voitures, et au bout du dédale : le vélodrome. Le demi-tour de piste est vite avalé et je ne tarde pas à trouver -enfin- Trifon et Mayoj. Un grand plaisir de les retrouver enfin ! Ils m’apprennent qu’Akit et Leinhart sont là « depuis une heure ». Moi qui pensais avoir franchi la ligne en tête
Bon finalement Leinhart n’était arrivé qu’une dizaine de minute avant moi et Akit une grosse demi-heure. En revanche, les nouvelles sont moins bonnes pour Thor et j’apprends que Mayo est parti l’aider dans ses mésaventures re-
Je retrouve finalement le reste de la bande, une fois la médaille autour du cou, petite photo au vélodrome et départ pour Lille. Sans voiture, j’essaye en vain de me faire ramener par mon parrain, lequel n’est pas là. Finalement, Leinhart et moi-même partons en expédition pour la station de tramway la plus proche. Tous les deux handicapés, nous ne sommes pas très fringants quand nous remontons sur nos vélos dans la circulation roubaisienne
Jusque là très discrètes, les fesses commencent à se manifester et tenir correctement sur le vélo avec les mains pleines d’ampoule relève du sketch… Fin de l’histoire quelques minutes plus tard : on tombe sur une station de tram et on peut enfin s’asseoir pour regagner la gare de Lille Flandres. Parmi les anecdotes qui émaillent la fin de course : un infirmier qui demande à Leinhart pourquoi tout le monde crève ses ampoules avant de venir le voir
Un monsieur qui nous accoste pour connaitre l’état du pavé. Leinhart et moi qui fraudons bien malgré nous dans le tram (je te dois toujours un ticket, tu m’en vois désolé), incapables de comprendre le fonctionnement du distributeur de ticket.