Écrit le par dans la catégorie Analyses, Coup de bordure.

Jusqu’au début du Tour de France 2018,  LeGruppetto vous propose un nouveau classement pour connaître le coureur ayant le plus brillé sur les routes du Tour. La seule condition pour figurer dans ce classement est de ne jamais avoir remporté la victoire finale. Deuxième partie avec les places allant de 20 à 11 :

Pour ce classement, tout a été compilé de 1903 à 2017. Tout a compté (classement général, classements annexes, port du maillot jaune …).
Mais ceux qui ont gagné la Grande Boucle ont été mis de côté. Ainsi, ce sera l’occasion de retrouver ou de découvrir quelques coureurs et quelques anecdotes les concernant. La première place est à 100 points par défaut. Par conséquent, un coureur annoncé avec 25 points aurait en fait cumulé un quart des points du premier.

20ème : Fiorenzo Magni, 42 pts

Le triple vainqueur du Giro et triple vainqueur du Ronde n’a jamais remporté le Tour, barré dans la puissante sélection nationale Italienne par Fausto Coppi et par Gino Bartali, ce qui ne l’a pas empêché de remporter systématiquement des étapes, de porter à plusieurs reprises le maillot jaune et même de terminer dans le top 10 à 3 reprises. Mais pas en 1950. La course avait pourtant bien commencée pour lui, seulement battu au sprint par son coéquipier à Liège dans un groupe de costauds, puis échouant à quelques secondes de Ferdi Kübler dans un contre-la-montre accidenté en Bretagne sur près de 2 heures d’effort, il lève enfin les bras à Niort, réglant dans une petite échappée notamment Stan Ockers et Louison Bobet, quelques jours avant de s’emparer de la tête du classement général dans une étape entre Pau et Saint-Gaudens, sur 230 kilomètres via les cols d’Aubisque, du Tourmalet et d’Aspin. Un groupe de 9 se jouait alors l’étape au sprint et Gino Bartali lève les bras. Dernier du groupe, mais le plus régulier en première semaine, Fiorenzo Magni possède alors 2’31″ sur Ferdi Kübler et bien plus de 3 minutes sur Louison Bobet et Raphaël Géminiani. Cependant, quelques couacs ont eu lieu pendant l’étape. Au sommet de l’Aspin, le duel entre Gino Bartali et Jean Robic tourne mal. Le public, donc certains hommes ivres d’après ce qui était rapporté à l’époque, veut empêcher l’Italien de passer. Dans la confusion, il fait tomber Jean Robic. Par la suite, quelques coureurs italiens, en représailles de la part de ces quelques fous, sont frappés. C’en est trop pour le leader de l’équipe et pour le légendaire directeur sportif Alfredo Binda : les Italiens ne repartiront pas. Ni l’équipe première, ni l’équipe des jeunes « cadetti ». Un cinquième du peloton est non-partant. Un tel taux de désistement volontaire ne sera plus revu que lors du triste Tour 1998. De son côté, la direction du Tour réagit en annulant l’étape de Sanremo et en la retraçant pour arrêter avant la frontière, à Menton.

19ème : Georges Passerieu, 43 pts

Georges, l’air très sérieux en 1906.

Pour ses 3 premières participations, Georges Passerieu ne gagne jamais, mais termine 2e, 4e et 3e. Dauphin lors de sa première participation, le retard de 2h19’18″ témoigne bien d’une autre époque qu’était le quatrième Tour de France de l’histoire. Pourtant, le classement est bien plus serré qu’il n’y parait, en raison d’un classement général établit par points, via l’addition des places dans les différentes étapes (réactualisées à l’approche de la fin du Tour pour tenir compte des abandons massifs à l’époque, puisque sur 78 partants, seuls 14 ont su réaliser la Grande Boucle), avec un éventuel malus selon les écarts entre les coureurs. Ainsi, il n’avait que 7 points de retard avant la dernière étape. Il lui fallait donc gagner et repousser René Pottier au-delà de la 8ème place ou alors s’imposer en le repoussant à plus d’une demi-heure sur les 246 kilomètres entre Caen et Paris, ce qui semble injouable aujourd’hui, mais bien plus réalisable à l’époque, Lucien Petit-Breton, 4ème de cette dernière étape, terminant à plus de 48 minutes du vainqueur. Mais ce vainqueur est René Pottier, battant au sprint Georges Passerieu, qui n’a donc pas su le distancer, dans un face à face sur la longue piste du Parc des Princes. Deux ans plus tard, Georges Passerieu sera co-leader de l’épreuve pendant une journée, en raison d’une égalité de points après la deuxième étape, ayant devancé Lucien Petit-Breton un jour et étant devancé par lui le lendemain. Le règlement ne prévoyait alors pas de départage. Une chance qu’une telle égalité ne se soit jamais présentée en fin de Tour. Absent ensuite, il ne découvrira pas les hauts cols du Tour, se limitant au Ballon d’Alsace, aux Cols de Porte et Bayard et à la rampe de Laffrey, déjà gravis en 1908, abandonnant lors de la deuxième étape dans ses ultimes participations.

18ème : Maurice Archaumbaud, 44 pts

Avec 7 participations au Tour de France dans les années 1930, systématiquement appelé en équipe de France (même si, en 1939, à sa demande, il fait plutôt partie de l’équipe Nord-Est-Île-de-France, pour la première présence de sélections régionales aux côtés des sélections nationales), l’un des plus grands rouleurs de sa génération (recordman de l’heure) était peut-être aussi le plus petit coureur de l’histoire du Tour de France, ne mesurant que 1,54 m ! Cela ne l’a pas empêché de briller, avec notamment une 5ème place en 1933 pour 2 étapes et plus d’une semaine en jaune, un an avant l’apparition du contre-la-montre sur le Tour, qu’il ne courra pas, ayant du abandonner de façon précoce. Encore présente en demi-étape l’année suivante, il ne gagne pas celui de 58 kilomètres entre Genève et Évian, ne ratant le succès que pour 7″, étant peut-être fatigué de son final d’étape intense un peu plus tôt, après avoir triomphé en solitaire à Genève sur une étape de plus de 260 kilomètres. Il se rattrapera quelques jours plus tard, dominant le contre-la-montre entre Narbonne et Perpignan, suivant une demi-étape achevée au sprint. Sur les 63 kilomètres, il repousse l’intouchable maillot jaune Romain Maes à près de 3 minutes et les suivants à plus de 4, pour des écarts bien différents de ceux établis sur les rives du Lac Léman, où 4 coureurs se tenaient en une minute. Le contre-la-montre disparait ensuite, laissant place aux déroutantes étapes à départs séparés, ce qui ne l’empêchera pas de gagner à nouveau 2 étapes et de repasser quelques jours en jaune. Pour sa dernière participation, il s’impose à 4 reprises, dont 2 contre-la-montre individuels sur les 3 plats proposés aux coureurs (il termine 2ème de l’autre et bien plus loin de celui disputé en haute montagne, où il fallait gravir l’Iseran). Lors de ce Tour 1939, il a même gagné 2 fois la même journée. Non pas en cumulant les demi-étapes, mais en remportant 2 des tiers-étapes, instaurées pour rompre la monotonie des étapes de plaine. Ainsi, après 4 heures d’effort en matinée, il a remporté un contre-la-montre en début d’après-midi, pour ensuite gagner en solitaire une étape en ligne de deux heures. Cette année-là, sur 18 jours de compétitions, 8 étaient scindés en 2 ou 3 parties.

17ème : Herman Van Springel, 44 pts

Cinq étapes individuelles et un classement par points en 1973, Herman Van Springel a réussi à se faire un nom sur le Tour sous l’hégémonie de son compatriote Eddy Merckx.

Compatriote et contemporain d’Eddy Merckx et de Roger De Vlaeminck, Herman Van Springel a malgré tout su se construire un beau palmarès dans les classiques (via notamment ses 7 succès dans Bordeaux-Paris) et dans les Grands Tours (podiums sur le Tour, le Giro et la Vuelta, sans pour autant en gagner un seul). En plus de cela, d’autres places d’honneur, des succès d’étape et même un maillot vert sur le Tour 1973. Mais arrêtons-nous un peu sur le Tour de France 1968. Disputé quelques semaines à peine après les évènements de mai (le Tour aura d’ailleurs sa propre grêve, menée par des journalistes), l’épreuve suit aussi le décès tragique de Tom Simpson sur les pentes du Ventoux. Ainsi, le tracé est voulu épuré. Il est 300 kilomètres plus court que celui de l’année précédente (retombant sous la barre des 4 500) et il limite la montagne (seules 7 étapes sur 22 contiennent des cols et dans les Alpes, en dernière semaine, on ne monte pas plus haut que la Colombière et s’il y a bien une arrivée en montée à Sallanches, elle se fait à moins de 1 000 mètres d’altitude). Autres particularités, le maillot vert, sponsoring oblige, est rouge cette année là et il s’agit du dernier Tour de France disputé par équipes nationales. Tout ce chamboulement participe à donner lieu à un des Tours les plus serrés de l’histoire, où le Top 20 se tient en moins de 20 minutes, le Top 10 en moins de 8 et les deux premiers en moins d’une minute. Les rebondissements ont ainsi été très nombreux et Rolf Wolfshohl, maillot jaune à l’entrée des Alpes, laisse le maillot à l’Espagnol Gregorio San Miguel à Grenoble, qui l’abandonne dès le lendemain à Herman Van Springel à Sallanches. On s’apprête à quitter la montagne et il n’y a quasiment aucun écart au classement général. La Faucille et la remontée plate ne changent rien. Pas même la demi-étape matinale vers Melun. Avant le dernier contre-la-montre vers le vélodrome municipal de Vincennes, les 7 premiers du général se tiennent en moins de 2 minutes. Herman Van Springel devance Gregorio San Miguel de 12″, Jan Janssen de 16″ et Franco Bitossi de 59″. Non seulement le podium ne se joue à rien, mais en plus, un autre coureur est aux aguets, à moins d’une minute. Une telle situation ne s’était jamais présentée (et ne se représentera probablement jamais) : on est aux portes de Paris et on n’a aucune idée de qui va gagner, ni de qui terminera sur le podium parmi près d’une dizaine de coureurs ! Le porteur du maillot jaune reste le meilleur rouleur du lot, même si on redoute une grosse performance de Ferdinand Bracke, certes 7ème à 1’56″, mais alors recordman du monde de l’heure. Mais Herman Van Springel termine devant lui. À vrai dire, il termine devant presque tous ses adversaires. Tous sauf un : Jan Janssen. Plutôt classé comme coureur complet ayant une bonne pointe de vitesse, il surprend en remportant l’étape de près d’une minute. Au final, Herman Van Springel perd le Tour pour 38 secondes. Depuis, on n’a connu que 3 écarts plus faibles entre un vainqueur et son dauphin.

16ème : Learco Guerra, 46 pts

Seul coureur sacré champion du monde sur route « en ligne » à l’issue d’une épreuve contre-la-montre (sur un parcours de 170 kilomètres autour de Copenhague en 1931), l’Italien n’a participé qu’à 2 Tours de France dans sa carrière. Cependant, cela lui a suffit pour porter le maillot jaune toute une semaine, remporter 8 étapes et terminer deux fois à la deuxième place du classement général. En 1930, il dispute le premier Tour par équipes nationales au sein d’une équipe Italienne emmenée par Alfredo Binda. Maillot jaune dès la deuxième étape, remportée en solitaire, il laisse une dizaine de minutes entre Pau et Luchon, remportée par son leader supposé. Mais celui-ci abandonne dès le lendemain. Il a gagné une étape au sprint et une étape de montagne (consécutivement), il a accompli la part de son accord avec Henri Desgrange pour monnayer sa présence et il peut se retirer. Par la suite, Learco Guerra gèrera son retard sur André Leducq. Il restera un peu plus de 14 minutes à Paris. 3 ans plus tard, il revient sur la Grande Boucle pour perdre 5 minutes le premier jour sur les pavés du Nord, avant de revenir petit à petit, jusqu’à être dauphin du général à la sortie des Alpes, avec seulement 23 secondes de retard sur le Belge Georges Lemaire. Mais une mauvaise prestation dans l’arrière-pays Niçois et des Pyrénées compliquées le font reculer à la troisième marche du podium. Il vise alors les bonifications dans la remontée vers Paris grâce à sa pointe de vitesse. 4ème à Bordeaux, puis 3ème à La Rochelle : rien n’est gagné. Puis à Rennes, il est à nouveau 4ème, mais René Le Grevès et Léon Louyet sont déclassés pour des irrégularités dans leur sprint. L’Italien remonte ainsi à la 2ème place, pour gagner une minute de bonification. L’avant-dernière étape, à Caen, voit un peloton de 26 coureurs entrer sur le vélodrome. Sans photo-finish pour l’époque, si la piste d’arrivée est trop courte, on ne fait pas de sprint : les coureurs font un tour de piste en contre-la-montre. À ce petit jeu, Learco Guerra manque de peu les bonifications, se retrouvant classé 3ème de l’étape. Enfin, sur le Parc des Princes, il lève les bras à l’issue d’un véritable sprint, empochant les 2 minutes de bonifications données au vainqueur, lui permettant de doubler son compatriote Giuseppe Martano et de revenir à 4’01″ de Georges Speicher. 5 victoires d’étapes cette année-là n’auront pas suffi pour compenser le temps perdu sur la route.

15ème : Freddy Maertens, 47 pts

3 participations au Tour de France : 15 victoires d’étapes et 3 classements par points, Freddy Maertens a réussi l’exploit en 1976 de conquérir 8 étapes sur le Tour.

En 1976, à la sortie de la domination d’Eddy Merckx, les organisateurs décident de changer le barème du classement par points, le cannibale ayant réalisé 3 doublés maillot jaune et maillot vert. Pour la première fois, les étapes de plaine apporteront plus de points que les autres (25 au vainqueur, contre 15 en montagne, 12 aux contre-la-montre et un peu moins pour les demi-étapes, elles aussi classés selon leur type). Cela n’aurait pas changé la donne cependant pour cette première occurrence, puisque Freddy Maertens s’impose à 8 reprises cette année là, pour sa première participation. Il écrase le prologue (17 secondes d’avance sur son dauphin et 20 sur Bernard Thévenet, tenant du titre, sur un parcours de 8 kilomètres), puis s’impose au sprint le lendemain, remporte un contre-la-montre de longue distance deux jours plus tard, avant d’aller gagner l’étape des Vosges, via le Calvaire et le Grand Ballon, pour aller abandonner le maillot jaune seulement à l’issue d’une étape de plus de 250 kilomètres vers l’Alpe d’Huez. Et encore, il le laisse pour moins d’une minute. S’il y avait eu des bonifications cette année-là, il l’aurait donc probablement gardé. Il laisse ensuite passer la montagne pour aller remporter deux des trois portions de l’étape entre Auch et Bordeaux, gagnant à Langon et à Lacanau, pour terminer 2ème sur la piste de Lescure, ratant de peu un triplé qui aurait été inédit. Il remporte ensuite le sprint à Versailles, puis la première demi-étape Parisienne, avec le circuit des Champs Élysées disputé en contre-la-montre, où il repousse (sur 6 kilomètres), ses dauphins Joop Zoetemelk et Raymond Poulidor à 11 secondes. Quelques heures plus tard, comme à Bordeaux, il termine juste derrière Gerben Karstens, ratant ainsi d’un rien un 9ème bouquet, qui aurait fait de lui le détenteur unique du record de victoires sur un même Tour. Il participera encore deux fois au Tour, pour deux nouveaux maillots vers. En 1978, avec 2 étapes, et en 1981, avec 5 étapes dont deux en Belgique et l’étape des Champs Élysées.

14ème : Fabian Cancellara, 50 pt

Grâce à ses capacités de rouleurs et aux prologues et aux contre-la-montre inauguraux, le Suisse a cumulé 29 jours en jaune, un record pour un coureur n’ayant jamais remporté le Tour. De plus, il l’a porté sur 6 Tours différents, soit autant qu’André Darrigade et Eddy Merckx (seul Bernard Hinault a fait mieux). En 2004, pour son premier Tour, il remporte le prologue à Liège, pour laisser le maillot jaune deux jours plus tard à Thor Hushovd, après une lutte intense dans les bonifications, notamment sur la route de Charleroi. 3 ans plus tard, le jaune est retrouvé à Londres, où il écrase le prologue, repoussant Andreas Klöden à 13 secondes et Bradley Wiggins à 23. De quoi voir venir et ne pas craindre les bonifications des sprinteurs, d’autant plus qu’il remporte l’étape de Compiègne en ayant attaqué au kilomètre, augmentant de 20 secondes son avantage au classement général, à la tête duquel il reste jusqu’aux Alpes. Pas de prologue en 2008, rompant avec une tradition vieille de plus de 40 ans, mais un succès dans une épreuve solitaire de plus d’une heure, à la veille de Paris, après déclassement de Stefan Schumacher. Retour du chrono inaugural l’année suivante, sur un terrain très accidenté autour de Monaco, ce qui ne l’empêche pas de dominer les favoris du classement général, vêtu du maillot arc-en-ciel, pour être en jaune jusqu’aux premiers cols. Puis sur un parcours initial entièrement plat, il écrase à nouveau la concurrence, repoussant Tony Martin à 10 secondes et les autres à plus de 20 sur la route de Rotterdam, perdant ensuite le maillot jaune dans la très particulière étape de Spa, où il a neutralisé le peloton après une successions de chutes massives, mais pour le récupérer le lendemain sur le pavés, pour le garder une nouvelle fois jusqu’aux premiers cols. En 2012, la présence d’un prologue, absent l’année précédente, lui permet de retrouver le maillot jaune à Liège, comme le premier qu’il avait porté, pour le laisser à l’issue de la première montée vers La Planche des Belles Filles. Enfin, en 2015, il est devancé dans le contre-la-montre d’Utrecht, sa seconde défaite dans un contre-la-montre inaugural après 2005, contre 5 victoires, mais il profite des bordures dans l’étape de la Zélande et du retour des bonifications, sans quoi Tony Martin l’aurait récupéré. Les deux rouleurs devront abandonner le maillot jaune et le Tour de France à causes de chutes, dans des plus folles premières semaines que le Tour ait donné.

13ème : Stan Ockers, 52 pts

Deux classements par points, trois victoires d’étapes et deux podiums au classement général, le Belge Stan Ockers aura marqué le Tour d’après-Guerre.

Après un début de carrière tronqué par la Seconde Guerre Mondiale, « Josephus Constant » de son réel prénom découvre le Tour en 1948, à l’âge de 28 ans. Pour sa première, il termine à la onzième place. Lors de ses 7 participations suivantes, il terminera systématiquement dans les 8 premiers et cette belle régularité ne semblait pas décroître avec l’âge, puisqu’en 1956, il remporte à la régularité son second maillot vert (le classement par points se faisait alors à l’addition des places sur toutes les étapes et il domine le classement cette année là, s’imposant avec près de 200 points d’avance). De plus, il remporte en solitaire une étape de moyenne montagne à Saint-Étienne, après s’être isolé dans le Col de la République. Il n’aura pas l’occasion de défendre son titre, succombant à ses blessures après une chute sur la piste du Palais des Sports d’Anvers deux mois et demi plus tard. Quelques années plus tôt, il avait réglé au sprint le groupe des favoris dans une étape de 240 kilomètres via le Col d’Aubisque. Mais c’est en 1950 qu’il a réalisé son meilleur Tour. Vainqueur en solitaire à Rouen, en profitant d’un final un peu accidenté, il profite ensuite de l’abandon collectif des Italiens pour gagner une place avec l’abandon de Fiorenzo Magni, mais surtout se replacer au pied du podium, à une minute de Ferdi Kübler, mais surtout à moins de 20 secondes de Louison Bobet et de Raphaël Géminiani. Une échappée Provençale avec le nouveau maillot jaune dans une étape marquée par le vent lui permet de repousser les Français à plus de 10 minutes. Il fait ensuite jeu égal avec le Suisse dans les Alpes, même si l’écart se creuse par les bonifications aux arrivées et au sommet des cols. Il doit finalement s’incliner dans le contre-la-montre de près de 100 kilomètres entre Saint-Étienne et Lyon, via le Col de la Croix-de-Chaubouret, mais il y assure sa deuxième place au classement général, à près de 10 minutes du premier, mais avec plus de 10 minutes sur le troisième.

12ème : Joaquim Agostinho, 53 pts

Découvert, comme beaucoup de jeunes coureurs issus d’un pays « mineur » de l’époque, par Jean de Gribaldy, le Portugais a participé à 13 Tours de France entre 1969 et 1983 et sauf son abandon dans son avant-dernier Tour, il a toujours connu le Top 15 du général. Dès sa première participation, marquant également la première participation d’Eddy Merckx, il s’impose à deux reprises, à chaque fois en solitaire, dans les Vosges et aux portes des Pyrénées. Près d’une décennie plus tard, il monte pour la première fois sur le podium lors du premier Tour de France disputé par Bernard Hinault. L’année suivante, il réédite sa performance et la couple même d’une victoire d’étape à L’Alpe d’Huez, pour la premières des deux arrivées consécutives au sommet des 21 lacets dans le Tour de France 1979, le seul à avoir proposé 2 arrivées consécutives au sommet de la même ascension. Cette victoire le fait entrer dans le cercle fermé des coureurs vainqueurs d’étapes sur le Tour à 10 ans d’intervalle. Il ne gagnera plus sur la Grande Boucle et sa dernière participation sera en 1983, pour la première participation de Laurent Fignon (ce qui permet de témoigner la longévité de sa carrière). Il y rate le top 10 pour 5 petites secondes, mais les journalistes votent pour lui massivement et lui font remporter le prix de l’amabilité, un des nombreux classements annexes de l’époque. Il ne reviendra plus sur le Tour, décédant de ses blessures due à une chute lors du Tour de l’Algarve.

11ème : Eugène Christophe, 54 pts

Avec une carrière longue de 23 ans, on a forcément beaucoup à dire sur « le Vieux Gaulois ». On pourrait évoquer le fait qu’il ait reçu le premier maillot jaune dans le Tour de France 1919, en plein milieu de l’épreuve. On pourrait évoquer ses performances dans ce qu’on appelait alors les « randonnées cyclo-pédestres » et son record de titre nationaux qui a dû attendre près d’un siècle pour être battu avec Francis Mourey, dans ce qu’on appelle désormais cyclocross. On pourrait aussi évoquer le rôle martial de cette discipline à l’époque, dans des épreuves en lignes où les coureurs étaient libre de choisir leur tracé entre routes, forêts, prés et champs, tant qu’ils arrivaient les premiers à un point donné, le but étant de former les hommes à transmettre rapidement des messages en cas de conflit majeur, rôle qu’il occupe durant la Première Guerre Mondiale, ainsi que d’autres tâches de réparations mécaniques grâce à ses capacités à se déplacer facilement à vélo entre des zones difficilement accessibles. On pourrait parler de l’après-guerre et de son travail de reconnaissance sur le parcours de Paris-Roubaix, fait pour L’Auto en parcourant les villages dévastées et rasées et les restes de tranchées encore bien visible sur ce qui était encore un front quelques mois plus tôt, faisant naître de ses propres mots l’expression « Enfer du Nord ». On pourrait aussi parler de son accident dû à une voiture dans la descente du Col du Tourmalet en 1913, devant marcher 14 kilomètres en tenant son vélo jusqu’à Sainte-Marie-de-Campan, pour y trouver une forge et y réparer lui-même sans la moindre aide, surveillé par des officiels pendant toute la durée de la réparation. On pourrait aussi parler de sa fourche cassée à Raismes, alors que son dauphin au classement général l’attaquait dans l’étape Metz-Dunkerque de 468 kilomètres, la dernière avant celle de Paris et qui faisait plus de dégâts que la montagne en raison de la distance (150 kilomètres de plus qu’une étape des Pyrénées ou des Alpes) et des pavés, en très mauvais état au lendemain de la guerre. Il doit à nouveau réparer son vélo et perd 2 heures et demi dans l’affaire, pour arriver à Dunkerque près de 24 heures après être parti de Metz ! On pourrait aussi parler du Tour 1922 et de la descente du Galibier où il percute un rocher dans une descente gravillonneuse rendue glissante par la pluie. Il doit alors marcher pendant 6 kilomètres jusque Valloire. Le règlement ayant changé, il bénéficie de l’aide du prêtre du village qui lui offre son vélo. Il monte vers le tunnel du Col du Télégraphe (oui, ce col aussi avait un tunnel à l’époque), puis le descend sur un vélo pas du tout adapté à la course. Il change à nouveau de vélo à Saint-Jean-de-Maurienne, pour rouler jusqu’à Genève, via le Col des Aravis, sur cette nouvelle monture. On pourrait aussi parler de son après-carrière, avec son implication dans les « Audax », précurseurs du cyclotourisme, pour lesquels il réalise encore des sorties de 200 kilomètres à plus de 70 ans. Bref, il y a tellement à dire qu’on ne saurait sur quoi se lancer. Même Eugène Christophe a eu du mal, puisqu’au crépuscule de sa carrière, l’hebdomadaire « Le Miroir des Sports » lui avait proposé d’écrire ses mémoires cyclistes, étalées sur quelques éditions. Cela durera plus de 6 mois !

Par Darth.

Crédit Photo : Jérémy-Günther-Heinz JähnickHarry Pot / Hans Peters

 

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Modérateur: Animateurs cyclisme pro