Écrit le par dans la catégorie Interviews, Les forçats de la route.

Si l’équipe de France de football compte 60 millions de sélectionneurs, le Tour de France dénombre presque tout autant de traceurs de parcours. A quelques jours du grand départ, retour sur le tracé du Tour avec Thierry Gouvenou, l’éminence grise d’ASO ou « Monsieur Parcours ».

Pour commencer, vous déclariez juste après la présentation du Tour en octobre 2017 que l‘étape la plus importante du Tour serait celle entre Annecy et le Grand-Bornand. Le pensez-vous toujours à quelques jours du Grand Départ ?

Oui. Ce n’est pas forcément à cause de la difficulté de l’étape en elle-même mais plutôt en raison du passage de la plaine à la montagne et en plus au lendemain d’une journée de repos. Je pense aux coureurs qui visent le général : ils vont utiliser de gros braquets pendant toute la première semaine et ils devront affronter une étape avec 22 kilomètres pavés assez compliquée au niveau musculaire avant cette journée de repos qui, on le sait, est néfaste à quelques coureurs. Cette étape entre Annecy et le Grand-Bornand c’est du lourd dans son ensemble, ce ne sont pas les difficultés jugées individuellement ou le secteur empierré des Glières qui me font penser que ce sera l’étape clé de cette édition.

L’enchaînement Romme-Colombière est très exigeant, nous l’avons vu en 2009 avec les frères Schleck et Contador.

Les deux cols ne sont pas très longs mais présentent de beaux pourcentages (aux alentours des 8% de moyenne, ndlr) et c’est ce qui en fait un enchaînement rude. Nous avons en mémoire l’expérience un peu douloureuse de la Pierre-Saint-Martin en 2015 où nous avions proposé une transition plaine-montagne avec l’arrivée en montée sèche, cette fois-ci nous avons préféré choisir plusieurs cols pour que la mise en route soit plus douce. Lors de l’étape de la Pierre-Saint-Martin il avait fait si chaud que le passage de la plaine à la montagne avait été vécu comme un vrai coup de massue par de nombreux coureurs. Cette année ce sera une arrivée en descente, peut-être que les attaques vont être moins franches dans la Colombière ce qui fait que malgré la difficulté, nous ne devrions pas perdre les 3/4 des favoris.

Revenons désormais au début de ce Tour de France. Vous proposerez deux étapes de plaine le premier week-end pour un total de huit étapes intégralement plates. Pourquoi ne pas corser une ou deux dernières fins d’étapes comme on le voit sur le Giro ? Je pense notamment à cette étape vers Pau.

Il suffit déjà de regarder la topographie de la France. C’est plus compliqué de proposer ce genre d’étape sur le Tour. Concernant Pau, il faut prendre en compte les journées qui l’entourent : Mende, Carcassonne, jour de repos, Luchon, Portet puis Laruns et le chrono. Nous ne pouvions pas nous permettre de proposer 7 étapes de suite dévolues aux baroudeurs ou favoris, sinon les coureurs seraient complètement carbonisés et ne pourraient pas tout donner sur les étapes de montagne. Il y a des moments où il faut des respirations, autrement ce serait de l’abattoir. Pau représente une occasion pour remotiver les sprinteurs ou alors si un coureur a assez de punch pourquoi ne pas l’imaginer tenter le même numéro que Bodnar l’an dernier qui, d’ailleurs, n’avait pas été assez mis en avant. En tout cas ayant habité longtemps à Pau j’ai cherché ce qu’il y avait de plus plat entre Trie-sur-Baïse et l’arrivée.

Pourquoi avoir cantonné les sprints de bonifications à la première semaine ? J’imaginais les retrouver sur l’ensemble des trois semaines.

C’est un premier retour sur les étapes de plaine car nous pensons que ce devrait être assez serré entre un grand nombre de coureurs durant la première semaine et nous espérons que ces sprints de bonifications dans les fins d’étapes pourraient permettre une bagarre pour un changement de Maillot Jaune. Mais c’est vrai, pourquoi pas imaginer à l’avenir ce bonus dans un col. C’est quelque chose que nous sommes tout à fait capables d’envisager. Le problème de ces bonifications c’est qu’elles sont limitées par le règlement de l’UCI et si nous suivons ce dernier ce sont 3 secondes, 2 secondes et 1 seconde qui sont données au maximum. Personnellement j’aurais bien offert davantage de secondes mais on ne peut pas faire autrement. Ce bonus de temps devrait malgré tout apporter du spectacle et récompenser les attaquants.

Une autre question sur l’organisation. Je vois que certaines difficultés (le col des Fleuries, la Baraque de l’Air) ne sont pas répertoriées au classement de la montagne. Pourquoi ?

Multiplier le nombre de côtes classées dans une étape ne nous semble pas avoir une grande utilité. Il nous arrive même de faire exprès de ne pas en classer. Certaines difficultés méritent en effet d’être répertoriées mais en les passant sous silence de nombreux coureurs et équipes n’y font pas attention en préparant l’étape puis sont piégés. Par exemple sur le dernier Tour l’étape des Rousses est devenue folle dans une montée non précisée proposant plus d’un kilomètre à 8%. Je pense que si cette côte avait été classée certains coureurs auraient été plus attentifs. De même pour le collet de Tamié en 2016 où nous avions voulu laissé les coureurs libres de leurs actions. C’est d’ailleurs lors de cette ascension où les sprinteurs et leurs équipiers s’étaient mis en tête de peloton pour faire en sorte que le rythme ne soit pas très élevé que m’est venue l’idée de ce départ en sas que nous retrouverons sur l’étape du Portet.

Amaury Sport Organisation et d’autres organisateurs appelaient depuis quelques années à la réduction du nombre de coureurs par équipes. Après quelques mois de pratique qu’en pensez-vous ?

Je pense que si l’on regarde les courses depuis le début de saison cela nous donne raison car nous avons de plus belles courses, des tactiques indécises. Cela laisse un peu plus de libertés, mais également plus de calculs dans les choix tactiques. Je dirai que les courses sont aujourd’hui plus ouvertes.

Seriez-vous prêts à descendre jusqu’à 7 coureurs par équipe afin, pourquoi pas, d’inviter une ou deux autres formations. Vital Concept vient d’arriver en Continental Pro, Delko attend patiemment une invitation, Saint-Michel devrait également faire partie de la seconde division en 2019 … Les équipes françaises se bousculent.

Alors là nous entrons dans un autre débat. Honnêtement en ce moment dans les équipes françaises on a trop dilué les forces. Ce n’est pas en multipliant le nombre d’équipes que cela va s’améliorer. Le cyclisme s’est beaucoup internationalisé ces dernières années et ce n’est pas en divisant les talents que la France gardera le cap donc je ne pense pas qu’à terme il y ait plus de cinq équipes françaises au départ (soit le nombre de formations françaises présentes en 2018, ndlr). De plus 22 équipes c’est un beau chiffre. Il faut se rappeler qu’il y a 20 ou 30 ans nous étions plutôt aux alentours de 14 ou 15 équipes au départ du Tour.

L’aspect sécuritaire est également important.

Oui, les pelotons qui diminuent c’est quand même mieux. Le Tour passera de 198 à 176 coureurs, Paris-Nice et le Dauphiné sont passés de 176 à 154 hommes … Un peloton moins gros c’est plus facile à dépasser, les gardes républicains nous le disaient encore durant le Dauphiné.

Revenons à la montagne. N’avez-vous pas peur que l’étape de l’Alpe d’Huez cannibalise les Alpes au risque de gâcher le triptyque alpin ?

Cela va dépendre des écarts réalisés dans les étapes de plaine. Si on a des grimpeurs qui ont pris des éclats sur les pavés, dans les bordures ou bien lors du contre-la-montre par équipe il va falloir qu’ils saisissent toutes les opportunités. L’étape dont vous parlez proposera trois ascensions traditionnelles avec la Madeleine, la Croix-de-Fer et l’Alpe d’Huez mais nous savons très bien que tout se jouera dans cette dernière.

Par conséquent n’est-ce pas dommage que cette étape soit située en fin de massif et non pas au tout début ? Est-ce une volonté de la station d’être « le clou du spectacle alpestre » ?

Je pense qu’un coureur qui se focalisera totalement sur l’Alpe d’Huez fera une grosse erreur. L’enchaînement Romme-Colombière est difficile, l’étape de la Rosière avec 110 kilomètres il ne faut pas non plus la prendre à la légère car elle fait mal comme on a pu le voir sur le Dauphiné. Les trois étapes ont leur importance.

En 2017, les coureurs du Tour de France escaladaient le Mont du Chat, une montée très pentue. Cette année, les favoris auront l’occasion de s’expliquer sur le Plateau des Glières, autre difficile montée.

En 2017 le Tour a escaladé le Mont du Chat, cette année il passera par le plateau des Glières, une autre montée très pentue. Il y a quelques années nous n’aurions pas imaginé voir ces ascensions sur le Tour.

Oui c’est vrai que c’est un réel changement. Nous nous autorisons des choses différentes par rapport à avant. Il y a eu beaucoup de nouveaux cols ces dernières années et nous n’hésitons pas à aller chercher des forts pourcentages. Le Grand Colombier c’est étroit : nous y sommes allés, les Lacets de Montvenier sont étroits : nous y sommes également allés. Nous ne nous interdisons plus certaines choses qui sont longtemps parues irréalisables.

Justement, sans les fêtes de Bayonne qui réduisent la capacité hôtelière du Pays basque, vous auriez très certainement proposé une étape en ligne avec certains cols basques. C’était en tout cas l’une de vos idées. Imaginez-vous pouvoir à terme emprunter un col très étroit comme le Pic de Beillurti ou d’autres difficultés basques semblables ?

Honnêtement je ne connais pas cette montée. Je suis allé voir 2-3 choses dans le Pays basque mais ce qu’il faut c’est pouvoir descendre. Le problème n’est pas de monter mais bien de descendre. Alors à terme aller faire un tour vers ces pentes très raides pourquoi pas, si l’on peut descendre de l’autre côté sans risque. Mais nous ne sommes pas fermés, il y a aussi des choses qui évoluent au fil du temps, par exemple le port de Balès n’avait pas de goudron au sommet et nous n’y allions pas. Depuis qu’il a été goudronné il est régulièrement au programme du Tour alors même qu’au sommet c’est un peu étroit.

Cela me permet d’aborder le col du Portet. S’il n’avait pas été goudronné aurait-il été au programme cette année ?

Non. Alors je sais que le monde du cyclisme est attiré par une montée comme le Finestre et si nous avions un col comme celui-ci en France je serai partant. Mais encore faut-il que le risque soit minime, acceptable, or le col du Portet c’était vraiment de gros cailloux qui rendaient son utilisation impossible jusqu’ici. La difficulté de cette montée se suffit à elle-même.

Vous êtes donc toujours en quête du « Finestre français » ?

Oui nous sommes en veille à ce niveau là, on regarde un peu à droite à gauche ce qui se fait mais pour l’instant nous n’avons pas trouvé. Il y a énormément de fantasmes mais le Tour de France génère beaucoup de contraintes techniques, c’est un événement énorme qu’il faut pouvoir accueillir. Il y a également les contraintes des parcs naturels qui complexifient encore davantage notre tâche.

Vous avez un jour déclaré que « l’endurance étant l’essence du vélo ».

Oui c’est ce que je pense. Bon c’est là qu’avec Christian Prudhomme nous sommes un peu en désaccord mais de toutes façons je commence un petit peu à changer mon point de vu. C’est vrai qu’il y a quelques temps j’aurais eu beaucoup de mal avec une étape comme celle du Portet, notamment en raison de mon passé de non-grimpeur. Cette étape de 65 kilomètres j’étais d’accord pour la faire mais en modifiant les délais, sinon nous aurions renvoyé 50 coureurs à la maison le soir et nous aurions également très certainement dû subir une fronde des sprinteurs et de leurs équipes. Pour moi qui ait très souvent connu le gruppetto ce n’était pas envisageable (rires). D’ailleurs je tiens à préciser que l’on souffre au sein du gruppetto, ce n’est pas aussi simple que certains l’imaginent ! J’ai par exemple vu Groenewegen se mettre dans des états pas possibles dans certains cols.

Vous changez donc d’avis, pourtant nous avons vu sur le dernier Giro que les longues étapes offraient du spectacle.

J’ai l’impression que les coureurs aiment les étapes courtes, ce sont des belles étapes comme on le voit lors du Dauphiné sur des étapes de 130-140 kilomètres. Donc oui mon état d’esprit change un petit peu mais il faut également adapter la course aux non-grimpeurs qui sont présents sur le Tour. Et puis nous ne pouvons pas avoir de belles étapes courtes s’il n’y a pas eu de belles étapes longues avant et après. Il faut de l’alternance, si nous ne proposions que des étapes de 100 kilomètres ça n’aurait aucun sens. Et puis tout simplement pour l’imaginaire du spectateur : quand j’étais enfant, d’avoir vu les coureurs partir le matin d’Avranches pour rejoindre Rouen 300 kilomètres plus loin ça représentait quelque chose d’incroyable. C’est ça aussi le Tour de France, rejoindre une ville à l’autre à vélo et être itinérants.

Revenons sur l’étape du Portet avec ce départ en sas. En quoi va-t-il consister ?

L’idée première vu que ce sera court c’était de respecter la qualité sportive de tous et je pense qu’en positionnant les coureurs dans l’ordre du classement général c’est une manière de récompenser tous les efforts qui ont été faits sur les étapes précédentes. Nous aurons les dix premiers qui seront en quinconces, comme ce que nous pouvons voir sur les grand prix de motos et pour les coureurs suivants ce sera davantage comparable à ce que nous voyons lors des départs de cyclo-cross avec des portes séparant les différences sas.

N’y a-t-il pas le risque que les favoris attendent patiemment leurs équipiers ?

Peut-être en effet mais nous pouvons aussi imaginer que le temps que les équipiers remontent certains auront attaqué à l’avant. Imaginez qu’un coureur présent dans les 20 premiers du général vise le maillot à pois tout comme un garçon très loin au général : va-t-il l’attendre ? Ou un autre exemple, si le Maillot Jaune a tous ses équipiers très loin dans la file tandis qu’une autre équipe a 3-4 coureurs bien placés au général nous pouvons imaginer que ça bouge. Cependant je ne suis pas utopiste, ils ne vont pas partir comme si l’arrivée était jugée 200 mètres plus loin. Nous rajoutons simplement un peu de piment à une étape qui n’est déjà pas très ordinaire.

Pour schématiser ce début d’étape, vous estimez que le 80e du général sera à combien de temps des leaders au pied de Peyresoudre ?

Au grand maximum 10 secondes. Il n’y aura pas beaucoup plus de distance qu’un départ normal hormis les 10 premiers qui seront un peu décalés.

Légalement vous ne pouviez de toutes façons pas créer ce qui aurait pu s’apparenter à une poursuite ?

En effet. Déjà que là ce n’est pas vraiment pris en compte dans les règlements de l’UCI… L’an passé par exemple quand nous avions proposé la poursuite chez les filles nous n’avions pas déclaré la course à l’UCI car elle ne rentrait pas dans les cadres imposés. Nous sommes extrêmement contraints par les règlements et nous avons du mal à faire évoluer les choses.

En parlant de contraintes justement. N’êtes-vous pas parfois frustré que des contraintes extra-sportives empêchent ou dénaturent de bonnes idées de tracés ?

En général les contraintes que nous avons sont simplement avec la ville de départ et la ville d’arrivée, ensuite pour le tracé de l’étape en lui-même nous n’en avons pas. Quand je suis sur la route et que je trace une étape entre la ville de départ et celle d’arrivée je n’ai aucun contact avec qui que ce soit. Si nous passons dans un centre-ville ou devant un site magnifique c’est parce que nous l’avons voulu. Par contre sur le plan de l’aménagement urbain il est vrai les choses ont beaucoup évolué ces dernières années et nous ne pouvons plus aller dans certains centres-villes alors que c’est ce que nous privilégions.

Le parcours du Tour de France 2018, dessiné par les équipes du directeur de course Thierry Gouvenou. Un poste que l’ancien cycliste professionnel occupe depuis 2014.

Abordons le contre-la-montre d’Espelette. Vous avez dit qu’il correspondait aux leaders du classement général or il a quelques minutes vous me confiez espérer fortement que certains leaders perdent quelques minutes en début de Tour afin d’avoir une course d’attaque dans les Alpes. Pourquoi ne pas avoir plutôt proposé un long chrono de 50 kilomètres avant la montagne ?

Les chronos sont de plus en plus compliqués à tracer et à intégrer à une course. Nous nous apercevons que certains spécialistes font de très gros écarts sur des longs chronos plats et le but n’est pas de tuer le Tour de France. Il faut trouver un équilibre entre ce qu’un homme peut gagner sur un contre-la-montre et ce qu’il peut perdre dans la montagne et inversement. Si il y avait un chrono de 50 à 60 kilomètres de plat aujourd’hui ce serait impossible de refaire son retard dans la montagne.

Imaginons qu’un coureur comme Quintana perde 5 minutes sur un chrono. Vous ne pensez pas qu’il puisse les récupérer avec un parcours montagneux ?

Clairement non. Nous le voyons bien aujourd’hui : prendre 20 à 30 secondes lors d’une étape de montagne c’est énorme. Certains coureurs arrivent même à prendre deux minutes mais ils le payent le lendemain ! Je pense qu’il ne faut plus s’attendre à de gros écarts en montagne, ce n’est plus là que les grands leaders arrivent à faire la différence.

Justement quelles sont vos idées pour répondre à ces niveaux qui se resserrent ?

Le but c’est de trouver des endroits où il y a des forts pourcentages, c’est là qu’il se passe le plus de choses. Il ne se passe plus rien dans les montées roulantes à 6% où ce sont les équipiers des leaders qui assurent un tempo. Donc il faut trouver des passages pentus afin que les équipiers sautent et qu’il y ait ensuite un combat entre les favoris.

Une étape piégeuse comme celle vers Quimper répond aussi à cette volonté de voir les favoris s’affronter sur un terrain où les équipiers ont une importance moindre.

En effet et il faut aussi répondre à l’attente du public. Nous ne pouvons plus nous permettre de proposer trois à quatre sprints massifs d’affilés. Ces dernières années les équipes de sprinteurs ont changé leur façon de courir et les étapes de plats sont devenues, il faut le dire, très chiantes.

Est-ce une volonté du diffuseur d’alterner les types d’étapes et de ne pas proposer aux téléspectateurs trois étapes soporifiques à la suite ?

Je crois que c’est plutôt une adaptation de notre part aux tactiques des équipes qui ne tentent plus rien sur une étape de plat. Les formations de sprinteurs contrôlent et les autres équipes ne font absolument rien. Et ce genre de scénario là ne plaît à personne.

Pourquoi ne pas récompenser le peu d’équipes offensives en proposant par exemple en première semaine 15 points au lieu d’un seul pour une cote de 4e catégorie ? Certains grimpeurs iraient également à l’avant en plaine.

(Rires) C’est en effet une réflexion que nous pourrions avoir. C’est la première fois que j’entends ce point de vu là. Pourquoi pas, c’est à creuser. C’est vrai que nous sommes obligés de trouver des solutions pour remédier au 4 fois 4.

Le « 4 fois 4 » ?

Le « 4 fois 4 » c’est 4 échappés qui prennent la fuite après 4 kilomètres, voient leur avance atteindre les 4 minutes et se font reprendre à 4 kilomètres de la ligne. Et ça pour moi c’est l’horreur. Alors quand je vois un gars comme Bodnar qui a failli battre le peloton l’an passé pour moi c’est un héros ! Après attention, nous ne sommes pas contre les sprinteurs et nous le prouvons depuis quelques années en leur permettant de revêtir le premier Maillot Jaune. Ce qui nous gène véritablement ce sont leurs équipes qui cadenassent la course.

Pour densifier les étapes de plaine et rendre la course plus intéressante nous pouvons aussi penser à l’utilisation de chemins blancs comme ceux du Languedoc.

Le problème de ces chemins c’est qu’ils représentent une prise de risque considérable pour les leaders en raison des crevaisons. C’est vrai que nous utilisons les pavés où il y a des risques de chutes mais moins de crevaisons. Et pour l’instant nous n’avons jamais testé cette solution dans des conditions de course. Il faudrait le faire sur d’autres courses pour s’assurer que ce soit faisable sur le Tour parce que si sur une étape on met le Tour en danger à cause d’ennuis mécaniques ou de crevaisons pour les coureurs c’est un peu risqué. En tout cas nous y réfléchissons, nous en avons envie car nous trouvons ça super joli, cela apporterait une autre dimension à la course. Mais nous sommes aussi freinés par la part de risque que cela engendrerait.

Depuis quelques années vous travaillez beaucoup sur les massifs intermédiaires. Est-ce qu’une fin de Tour dans les Vosges ou le Massif Central serait possible ?

Et nous allons encore travailler dessus ! Nous pensons qu’il y a de superbes étapes qui s’y déroulent. Prenons comme exemple l’étape des Rousses gagnée par Calmejane l’an dernier : c’était juste incroyable. Un peloton scindé, de la bagarre chez les échappés : un vrai bordel, le genre d’étape que l’on aime. Et nous, nous voulons continuer à bosser dans ce sens là car il s’avère que certaines arrivées sont suffisamment difficiles pour constituer un final de Tour de France. La Planche des Belles Filles en arrivant par Chevrères peut très bien être l’arrivée d’une avant-dernière étape du Tour, c’est en tout cas dans nos projets.

Concernant les pavés, sont-ils envisageables après un massif montagneux ?

C’est à réfléchir. Je ne suis pas fondamentalement pour mais je suis capable d’évoluer et de revoir mes principes. Cette année ils sont déjà placés assez loin dans le Tour, lors de la neuvième étape, ce n’est pas rien.

Nous avons vu ces dernières années des Grands Tours s’élancer loin de leurs bases. Pouvez-vous fixer la limite géographique actuelle pour le Grand Départ d’un Tour de France ?

La première limite c’est l’engouement populaire. S’il y a un engouement populaire comme ceux que nous avons connu au Yorkshire, en Belgique ou aux Pays-Bas cela me va. Je dirai qu’une heure et demie d’avion me semble être quelque chose de jouable.

En parlant de Belgique, pourquoi si peu de monts et pavés pour le Grand Départ 2019 depuis Bruxelles ?

Il y aura Grammont, Bosberg et un secteur pavé quand même ! Cependant c’est vrai que notre idée première était de finir par les Flandres avant de rentrer à Bruxelles plutôt que l’inverse, or nous avons été incapables de rentrer dans Bruxelles par l’ouest à cause des aménagements urbains, du tramway. J’ai cherché pendant deux jours une solution à ce problème mais je n’en ai pas trouvé et c’est pourquoi les difficultés se retrouvent si loin de la ligne d’arrivée. Il restera quand même 19 autres étapes pour se rattraper !

Le Grand Départ suivant sera quant à lui donné à Nice, avec très certainement une toute autre topographie. Les coureurs pourraient-ils attaquer les Alpes du Sud dès le deuxième ou troisième jour de course ?

Je pense que si nous partons de Nice c’est pour profiter du terrain en effet.

Pourtant en 2009 le Tour était parti de Monaco et avait longé la Méditerranée en direction de Perpignan.

Non c’est vrai mais les choses évoluent… Nous poussons à chaque fois les limites un peu plus loin. Il faut le dire clairement, je sais que certains coureurs s’emmerdent dans le peloton quand il y a trop d’étapes de plat et il faut pouvoir leur offrir un terrain où ils peuvent s’exprimer totalement. Beaucoup de coureurs réclament des journées où ils pourraient attaquer et ne pas passer l’intégralité de l’étape dans les roues.

Thierry Gouvenou, à l’occasion de la présentation du Tour de France 2016 au Palais des Congrès.

Certains coureurs vous proposent-ils des idées de cols par exemple ? Je pense à Romain Bardet avec le Massif Central ou Thibaut Pinot pour les Vosges.

Non non, par contre Romain Bardet nous avait félicité de pouvoir encore réussir à innover après plus de cent éditions. Quand nous avons été chercher Peyra Taillade l’an dernier il était très content même si nous aurions aimé que cette montée lui soit plus profitable. Les professionnels sont sensibles à ce que nous leur proposons par contre ça ne m’est jamais arrivé qu’un coureur en activité me fasse découvrir une difficulté.

Vous arrive-t-il de parcourir certains forums afin d’avoir de nouvelles idées ?

Oui bien sûr. Après il faut être raisonnable. Quand je vois une étape de plus de 200 kilomètres avec 6000 mètres nous ne sommes plus tout à fait dans la même mouvance… Mais bien entendu que je regarde des forums et que je suis attentif à cela. Je suis ouvert à toutes propositions. Je reçois ainsi également des courriers. Après ce n’est pas toujours facile de mettre les choses en place, il faut aller vérifier sur place, on se sert parfois du Tour de l’Avenir ou du Dauphiné pour tester les choses proposées. Sur internet je sais qu’il y a pas mal de débats autour de Spandelles (rires). La dernière fois que je l’ai fait il y avait des grosses gouttières au milieu de la descente et il manquait la moitié du goudron sur certaines portions. Bon… ce n’est pas forcément raisonnable. Je reçois pas mal de courriers sur les cols basques aussi (rires).

Puisque nous sommes dans les ascensions, on peut citer l’Arpettaz qui est une difficulté pentue correspondant à ce dont nous parlions tout à l’heure.

Alors c’est pareil, j’y suis allé ! Il y a beaucoup de virages, c’est difficile de doubler, tout est en forêt. Il y a juste un truc : le point de vue au sommet qui est à couper le souffle mais alors la montée et la descente… Je suis allé voir énormément de difficultés que l’on m’a proposé mais le problème est souvent le même : la largeur de la route. S’il y a le moindre dépannage à effectuer on ne peut pas se permettre de tout bloquer.

C’est aussi pour cette raison que nous ne verrons plus le Puy-de-Dôme sur le Tour, parce qu’il est impossible d’y doubler.

Alors le Puy-de-Dôme… C’est quelque chose qui nous tente et si nous devons y aller alors nous devrons adapter notre dispositif pour venir dépanner les coureurs et faire en sorte que la course se déroule dans de bonnes conditions. Tout devra être étudié mais nous sommes capables de le faire.

Ce n’est donc pas une montée « interdite » ?

Non, non. Il faudrait juste que nous soyons à la hauteur de cette montée et de la légende qu’elle représente pour le Tour.

Alors à partir de quel largeur jugez-vous qu’une route est suffisante pour accueillir le Tour de France ?

Tout dépend du nombre de spectateurs présents. Par exemple la première année où nous étions passés à Péguère (en 2012) nous nous étions mis en danger car nous ne pouvions rien faire, s’il y avait eu le moindre pépin tout aurait été arrêté car personne n’aurait pu doubler. Alors qu’en 2017 il n’y avait pas de spectateurs au sommet et un incident aurait été bien plus facilement géré. Tout dépend du dispositif mis en place et de la place de la difficulté au cours de l’étape.

Les tracés du Tour génèrent parfois des critiques. Les comprenez-vous ?

J’ai appris à vivre avec. Si les gens étaient à notre place et se rendaient compte de toutes nos contraintes ils ne réagiraient pas comme ça. Et puis le Tour de France ce n’est pas la course de la difficulté, il faut un équilibre entre sprinteurs, baroudeurs, grimpeurs, étapes dures, étapes faciles. C’est sûr que certaines personnes qui jugent au niveau local peuvent se dire « oh putain (sic) ils auraient pu tracer une étape plus dure ». Alors oui, c’est sûrement vrai mais il faut prendre du recul et regarder le Tour dans sa globalité. Et puis je suis assez modeste sur l’impact que nous avons sur la course. Si un jour je considère avoir trouvé un parcours idéal je sais très bien que si les coureurs le font dix fois il ne sera pas dix fois idéal. Ce sont les coureurs, les équipes et les faits de courses qui rendent des étapes belles ou pas.

Pour conclure, lors de vos reconnaissances vous postez régulièrement des photos de lieux non légendées. N’êtes-vous pas un peu frustré que vos énigmes soient si vite résolues ?

(Rires) Non mais je suis surpris de voir à quel point les gens connaissent la France et sont réactifs afin de trouver si rapidement ces lieux. C’est quand même hallucinant. Moi ça me fait plaisir de voir que des personnes sont aussi pointues et passionnées par le Tour de France et notre territoire.

Par Adrien Labourot

Crédit Photo : Clémence Ducrot / Flore Buquet

 

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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar Nico73 » 04 Juil 2018, 23:03

Super interview, bravo pour le travail :ok:

Par contre la descente de l'Arpettaz, il ne faut pas avoir peur ça croise hein :moqueur: :moqueur: :moqueur:
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar Mayoj » 05 Juil 2018, 00:16

Top l'interview, même pour moi qui ne suis pas un aficionado des parcours :ok:

#VraiParlé de Gouvenou.
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar Svam » 05 Juil 2018, 09:47

Klira a écrit:Aussi (oui bon j'ajoute au fur et à mesure) il dit que 3 cols c'est plus doux qu'une CC. :evil: :evil: :evil: :evil: :heureux: :heureux:
(Elle n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd celle là, je vais pouvoir appuyer mes théories citations à l'appui ahah :lol: )


Là il se base sur l'exemple de la PSM 2015 où on cumule tout : première semaine ultra nerveuse, repos, CC sur une grosse montée parfaite pour ça et chaleur extreme. :noel:

Dans la théorie, 3 cols resteront toujours plus dur que 1 col. Si un leader est lâché en milieu d'étape, il prendra toujours plus que les 8' de Pinot et Bardet ce jour là. :o

Là où ça reboucle, c'est que si on met 3 cols sur la première étape de montagne, le peloton va utiliser les 2 premiers pour se chauffer et le 3e en CC avec déjà des repères. En d'autres termes : les 2 premiers cols sont escamotés (sauf si AG2R fait la descente). Bref, pas vraiment un argument massue pour tes empilements :lol:
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar Cyro » 05 Juil 2018, 11:40

Ça a pas trop de sens ce qu'il dit sur l'étape du Grand Bornand et la comparaison avec la PSM :louche:
La Planche la veille des Champs, super... :stop

Sinon c'est une superbe itw, un bon client et un bon intervieweur :heureux:
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar Klira » 05 Juil 2018, 11:53

Svam a écrit: Bref, pas vraiment un argument massue pour tes empilements :lol:


3 cols = empilement pour toi = on ne peut pas échanger.
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar Thibaut » 05 Juil 2018, 12:20

Klira a écrit:
Svam a écrit: Bref, pas vraiment un argument massue pour tes empilements :lol:


3 cols = empilement pour toi = on ne peut pas échanger.

Primo, ça dépend de combien ces cols sont espacés entre eux (et encore...). En ouverture de massif, tu peux être sur que ces difficultés seront court-circuitées par le peloton, raison pour laquelle les CC ont logiquement le vent en poupe en ouverture de massif et pourquoi Gouvenou a tenté la PSM en 2015. Mais la marche était sans doute trop haute (col HC très difficile après une première semaine éprouvante avec des écarts déjà conséquents). Depuis, on est revenu à des standards plus doux en ouverture (Payolle 2016, PDBF 2017).

Secondo, le placement de l'étape dans l'agencement du massif. On a connu de très belles étapes de montagne à 4 ou 5 cols en second volet d'un massif montagneux (St Jean de Maurienne 2010, Bagnères de Bigorre 2013, ...), très rarement en ouverture (ou alors on remonte à 2000 et Hautacam).
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar rthomazo » 05 Juil 2018, 14:19

Gouvenou qui ne connaît pas le Pic de Beillurti :diantre: Bon on n'est pas prêt d'avoir notre Finestre français apparemment. Quelqu'un avait déjà entendu l'expression des "4 fois 4" ? :o
Le PDD possible :banana :banana
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar Svam » 05 Juil 2018, 15:02

Klira a écrit:
Svam a écrit: Bref, pas vraiment un argument massue pour tes empilements :lol:


3 cols = empilement pour toi = on ne peut pas échanger.


Sachant que tu es fan des HC et que tu exclus/sous-cotes les 2C, oui on est pas loin de l'empilement :noel:
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar Klira » 05 Juil 2018, 17:59

Svam a écrit:Sachant que tu es fan des HC et que tu exclus/sous-cotes les 2C, oui on est pas loin de l'empilement :noel:


Un col c'est un col en tant qu'entité qui s'impose de l'être, pas un tant que nom.
Du coup évidement qu'un 2C ce n'est pas le néant mais que ça ne compte pas forcément.
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar rthomazo » 06 Juil 2018, 15:15

Rappelle moi comment ont explosé les étapes de Formigal et Fuente dé ?
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar vino_93 » 13 Juil 2018, 09:33

Itw encore citée dans le monde ce matin :ok:
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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar Umb » 13 Juil 2018, 09:37

Le 4 × 4, ce poison du vélo moderne : « C’est quatre échappés qui prennent la fuite après 4 kilomètres, voient leur avance atteindre les quatre minutes et se font reprendre à 4 kilomètres de la ligne. Et ça, pour moi, c’est l’horreur. (…) Ces dernières années, les équipes de sprinteurs ont changé leur façon de courir et les étapes de plat sont devenues, il faut le dire, très chiantes. » Dans un entretien d’avant-Tour avec les confrères du Gruppetto, Thierry Gouvenou, le « dessinateur » du parcours, évoquait son goût pour les longues étapes de plat sans difficulté majeure vouées à un sprint massif. Parfait : aujourd’hui et demain nous attendent deux longues étapes de plat sans difficulté majeure vouées à un sprint massif.

https://lemonde.fr/blog-du-tour-de-france/article/2018/07/13/tour-de-france-le-jour-le-plus-long_5330783_5326505.html


les confrères du Gruppetto

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Re: L'interview au long cours avec... Thierry Gouvenou

Messagepar Cyro » 13 Juil 2018, 09:54

:love:
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