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Le Grand Départ du Giro en Israël a posé question : au-delà de la promotion à grand coup de dollars (ou de shekels), quid du cyclisme israélite ? La création d’Israël Cycling Academy a été un boost certain pour les coureurs masculins mais pour les coureuses c’est du côté européen que le développement se fait comme avec Omer Shapiro l’actuelle championne en titre et récente 7e de Gracia – Orlova ou notre interviewée du jour, Rotem Gafinovitz, coureuse chez WaowDeals Pro Cycling, l’équipe néerlandaise de Marianne Vos.

Comment avez-vous commencé le cyclisme ?

C’est d’abord mon père qui a commencé le vélo. Et puis certains de mes amis le pratiquaient déjà dans un centre de loisirs. Au départ juste quelque chose pour s’occuper après l’école et pas spécialement pour faire de la compétition.

C’est un sport qui était beaucoup pratiqué en Israël ?

Non. Ça s’est développé sur les dernières années mais il y a 10, 20 ans c’était vraiment un tout petit truc, pas populaire.

Pourquoi avoir commencé la compétition ?

Mon coach dans mon centre de loisirs était un compétiteur alors j’ai commencé à en faire. Et j’ai aimé ça.

Et vous avez tout de suite voulu devenir pro ?

Ah oui, toujours. C’était mon rêve.

Et pour cela vous avez dû quitter Israël.

Oui, je savais que je devais quitter Israël pour devenir pro. En Israël on a moins d’une vingtaine de courses par an et nous les féminines on court avec les master hommes, il n’y a pas assez de filles pour faire une course. Et au départ du championnat national on est entre douze et vingt filles. C’est très différent d’une course en Europe avec plus d’une centaine de filles.

A quinze ans vous êtes présente aux Pays-Bas avec votre club pour une compétition et vous y rencontrez Eric Verstraten.

Eric était le manager de Dura Vermeer et je lui ai demandé si il savait où je pouvais louer un appartement, alors il m’a dit de venir chez lui. Il a dit qu’une fille de 17 ans n’avait pas à se débrouiller toute seule. J’ai dû en parler avec mon père bien sûr. On est venu avec ma famille en janvier pour les rencontrer et il faisait tellement froid (rire). C’est un truc que je n’oublierais jamais. En Israël ça ne descend jamais sous les 5 degrés. On a pris un verre dans un bar et j’ai su que ça se passerait bien.

Est-ce que ça a été difficile de courir au milieu de coureuses hollandaises, loin de son pays et de sa famille ?

Je suis venue à à peu près 17 ans. Les filles autour de moi étaient plutôt jeunes et elles avaient du mal à s’ouvrir à quelqu’un de nouveau avec qui elles devaient communiquer en anglais. La famille d’Eric m’a beaucoup aidé et avec le recul ce fut une magnifique expérience. C’est quelque chose qui restera toujours en moi.

Vous passez pro en 2013 chez TopSport Vlaanderen. Vous étiez déjà rémunérée à ce moment-là ?

Non, ça a commencé seulement chez WM3 (NDLR : l’actuelle WaowDeals). Heureusement j’avais le soutien de ma famille. Pour mon rêve fou.

Et qu’est-ce que ça fait d’être maintenant chez WaowDeals ?

C’est toujours incroyable. Ça ressemble à un rêve tous les jours. Comme un rêve éveillé. Parfois je n’y crois pas trop. Surtout avec Marianne Vos qui est un de mes modèles je pense. C’est incroyable de se dire qui elle est et au quotidien comment elle est sympa avec tout le monde, les deux pieds sur terre, très simple. Et puis ça se passe très bien avec tout le monde dans l’équipe.

Et quel est votre rôle dans l’équipe ?

Surtout domestique.

Et vous avez l’occasion de jouer votre carte de temps en temps ?

Oui. Ça dépend de comment se passe la course en fait. Par exemple si je suis à l’avant dans l’échappée. J’aurais toujours le soutien des autres coureuses quoi qu’il arrive.

Comme lorsque vous avez été le meilleure grimpeuse de Gooik-Geraadsbergen-Gooik en 2016.

Oui, ça avait été une surprise. Un très bon moment.

Quel est votre type de course favori ?

Houlà, c’est dur ! (rire) J’aime tous les types de courses en fait. Peut-être celles vallonnées.

Passons à autre chose. Ces dernières années il y a eu des avancées pour le cyclisme israélien. L’équipe Israël Cycling Academy pour les hommes et le Grand Départ du Giro. Qu’est-ce que ça fait de voir tout ça ?

C’est très excitant. De voir mes amis sur une des plus grandes courses du monde. De voir toutes ces grandes équipes en Israël. De voir un des plus grands événements qu’on ait jamais eu en Israël. C’est quelque chose de vraiment spécial. Jérusalem est une des plus belles villes du monde, ça va être génial.

Et comment ça évolue côté féminin ?

On grandit aussi du côté féminin en même temps que ça grandit côté masculin. Je ne sais pas si il y a des projets en cours pour les féminines ou quelque chose de plus gros que le Giro. Mais je pense que tout est possible. Le Giro peut aboutir à quelque chose de nouveau, au moins une course internationale israélienne.

La fédération nationale vous soutient pour les grands championnats ?

Oui, il y a un très bon soutien de la part de la fédération. Ils grandissent et apprennent en même temps que nous. C’est une évolution commune et c’est très sympa.

Récemment Anna Van der Breggen a déclaré après sa victoire à Liège que l’essentiel n’était pas d’avoir de nouvelles courses féminines mais plus de diffusions TV. Quel est votre avis sur ça ?

Je pense qu’il y a quelque chose de vrai dans cette déclaration. Mais je pense aussi qu’on a besoin de plus de courses féminines. Parce que le cyclisme féminin grandit d’année en année. Et qu’on ne peut plus faire tenir toutes les filles sur une même ligne de départ. Donc on a besoin de plus de courses, et plus de courses doivent être retransmises. En particulier les courses comme Liège-Bastogne-Liège ou… heu…

La Flèche Wallonne ?

Oui. Ce sont les courses qui devraient être à l’écran parce que au même moment sur la course masculine ils sont à plus de cent kilomètres de l’arrivée et il ne se passe rien, alors que sur les courses féminines il se passe toujours quelque chose. Et on ne le montre pas. Il y a des gens qui suivent la course sur twitter mais ce n’est pas comme suivre la course de ses propres yeux. Les organisateurs devraient financer des diffusions TV.

Et pensez-vous que toutes les grandes courses masculines doivent avoir leur version féminine ou est-ce que c’est mieux d’avoir un calendrier féminin qui se développe de son côté ?

Je pense que c’est un peu des deux. Ça peut être super pour les spectateurs d’avoir deux courses qui passent dans la même journée. Je ne suis pas sûr mais je pense que ça ne coûte pas si cher de rajouter une deuxième course. C’est aussi intéressant parce que ça permet de montrer que les coureuses sont capables de se battre sur le même terrain que les hommes, sur les mêmes routes.

Par Johann Peyrot.

(crédit photo GripGrab)
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Re: Rotem Gafinovitz : « Comme un rêve éveillé. »

Messagepar Alexsar » 06 Mai 2018, 16:15

C'est une interview sympa :ok:
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Re: Rotem Gafinovitz : « Comme un rêve éveillé. »

Messagepar coluterus » 06 Mai 2018, 22:41

Merci pour l'interview, bien sympa et intéressante :heureux:
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