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Ce jeudi, à l’occasion du Congrès annuel de l’UCI à Bergen, les acteurs du monde du cyclisme vont élire le nouveau Comité Directeur de l’UCI et son nouveau Président. Après 4 ans de mandat, Brian Cookson est candidat à sa réélection. Retour sur le bilan de son mandat, lui qui a succédé à Patrick McQuaid à la tête de l’UCI.

Dans son manifeste pour sa candidature, Brian Cookson voulait « restaurer la confiance, mener le changement ». Il a également résumé en six points ses promesses : « révolutionner notre approche de l’antidopage », « adopter ouverture et transparence », « promouvoir le cyclisme dans le monde entier », « développer le cyclisme féminin », « restructurer le cyclisme sur route d’élite » et « saisir ensemble l’avenir à bras le corps ». Dans le détail, le britannique proposait toute une série de mesures, qui ont été plus ou moins réalisées.

Capture d’écran du programme de Brian Cookson

L’antidopage comme priorité

La grande priorité de Brian Cookson était de s’attaquer au chantier de l’antidopage, et « d’établir une unité d’anti-dopage complètement indépendante en coopération avec l’AMA, dirigée et gouvernée à l’extérieur de l’UCI ». Il est vrai qu’après les mandats d’Hein Verbruggen et Patrick McQuaid, il était temps « d’appuyer sur le bouton de réinitialisation », pour reprendre la formule employée par Cookson dans son manifeste. Afin de modifier le système d’anti-dopage dans le cyclisme, Brian Cookson s’est basé sur la Fondation Antidopage du Cyclisme (CADF), créée en 2008. Dès son entrée en fonction, il s’est empressé de la rendre indépendante ; si l’UCI la finance toujours (entre 15 et 20%), l’institution n’a plus de droit de vote au CADF – qui se situe toutefois toujours au Centre Mondial du Cyclisme UCI. Surtout, Cookson a su rétablir la paix avec l’Agence Mondiale Antidopage (AMA). Cela a ainsi permis au CADF d’agir en coopération avec le Code Mondial Antidopage et les règles anti-dopage de l’UCI.

En 2015, l’UCI a également franchi une étape supplémentaire en créant un Tribunal Antidopage, indépendant et soutenu par l’AMA, permettant de juger tous les cyclistes de niveau international de la même manière, mais aussi en durcissant les sanctions en cas de dopage, pour l’équipe comme pour le coureur. Ces décisions ont été prises à la suite du rapport de la Commission Indépendante de Réforme du Cyclisme (CIRC), lancée en janvier 2014 par Brian Cookson « dans le but d’améliorer le futur du sport en éliminant les pratiques et les procédures indésirables ».

Cependant, on peut considérer que l’UCI ne va pas jusqu’au bout des choses. Brian Cookson voulait « révolutionner l’approche de l’anti-dopage » mais s’il y a eu amélioration, on ne peut pas pour autant parler de révolution. La révolution aurait plutôt été de s’aligner sur le Mouvement pour un Cyclisme Crédible (MPCC), qui a des restrictions supérieures aux codes antidopage actuels. L’UCI semble même loin de cela, comme elle l’a prouvé au Tour de France 2015 en refusant le remplacement de Lars Boom la veille du départ, le néerlandais ayant été contrôlé avec un taux de cortisolémie trop bas¹. Ce remplacement avait pourtant été demandé par Alexandre Vinokourov en vertu du règlement du MPCC auquel Astana était membre. Pour pouvoir partir à neuf coureurs, l’équipe Astana avait finalement décidé de quitter le mouvement.

Le développement du cyclisme a progressé

Pour favoriser le développement du cyclisme à l’international, Brian Cookson a lancé en 2014 la Commission Développement International et des Fédérations Nationales (présidée par lui et avec les 5 présidents de Fédérations continentales), comme il l’avait promis dans son manifeste. Le Centre Mondial du Cyclisme (CMC) a également vu son nombre de stagiaires augmenter, pour monter à 169 en 2016. En s’ouvrant à plus de disciplines, le centre a notamment accueilli ses premiers para-cyclistes en 2015. Paradoxalement, si l’UCI a par exemple financé une nouvelle piste de BMX au CMC, son budget n’a pas beaucoup augmenté (il est passé de 3,1 millions de francs suisses en 2013 à 3,4 millions en 2017). Néanmoins, un nouveau centre satellite a ouvert en Inde, en 2015 (après ceux en Afrique du Sud, en Corée du Sud et au Japon).

Conformément à sa promesse de campagne, Brian Cookson a également revu les quotas d’attribution de places aux Jeux Olympiques, ce qui a permis d’éviter en 2016 des situations ubuesques comme celles qui avaient eu lieu en 2012 (Mickaël Bourgain avait par exemple été forcé de prendre part à la course sur route en ligne pour pouvoir être aligné sur le keirin).

Le Centre Mondial du Cyclisme est le fleuron du développement du cyclisme à l’UCI

Dans son programme de campagne, Brian Cookson avait également consacré un chapitre à sa volonté de « développer le cyclisme féminin ». Une fois en poste, le britannique a mis en place une Commission Femmes, présidée par Tracey Gaudry, et permis la présence d’au moins une femme dans quasiment toutes les commissions (sauf la Commission Licences et la Commission d’Ethique). C’est notamment la Commission Femmes qui a permis de créer le Women’s World Tour en 2016, en remplacement de la Coupe du Monde. Si cela a permis de rendre plus simple la comparaison avec le cyclisme masculin et a peut-être aidé à la création de nouvelles épreuves comme Liège-Bastogne-Liège, elle a aussi fortement pénalisé des épreuves emblématiques du calendrier comme l’Emakumeen Bira, un des rares courses montagneuses du calendrier et qui failli s’arrêter ayant été snobée au profit du Madrid Challenge comme course espagnole emblématique du calendrier. Quelle légitimité peut avoir un World Tour féminin qui promeut un critérium comme épreuve décisive ? Et avec ce World Tour était promis une couverture TV pour toutes les épreuves, ce qui n’a pas été le cas, et même au contraire une réduction de la couverture média comme le Giro de plus en plus difficile à suivre pour les passionnés.

De plus, Brian Cookson n’a pas tenu un de ses engagements sur le cyclisme féminin, à savoir l’instauration d’un salaire minimum pour les coureuses professionnelles, alors que c’est le cas chez les Hommes. De ce fait, le salariat n’est pas généralisé dans le cyclisme féminin. A titre d’exemple, seule une minorité de l’équipe FDJ-Nouvelle Aquitaine, pourtant en World Tour, est salariée.

La réforme du cyclisme Elites Hommes provoque des remous

Dans le manifeste de Brian Cookson, un passage paraît très surprenant avec le recul de quatre ans de mandat : « La structure du cyclisme Elite doit donner un récit clair et irréfutable qui soit simple à suivre pour les spectateurs, les sponsors et les diffuseurs. Actuellement il ne l’est pas. ». Pourtant, si l’élite du cyclisme n’était pas claire et facilement lisible, Brian Cookson n’a rien fait pour aller dans ce sens. Au contraire, il a rendu le World Tour encore plus complexe à comprendre pour le grand public, en ajoutant des courses auxquelles les équipes World Tour ne sont pas obligées de participer (comme le Tour de Californie, qui ne comptait que 12 équipes de l’élite cette année). La réforme du World Tour qui a eu lieu cette année n’a rien de « cohérente », comme Cookson souhaitait la faire dans son manifeste.

Cette réforme, en fin de mandat, avait mis du temps à venir, surtout après de longs revirements de la part de l’UCI. Initialement prévu pour 2017, le passage du World Tour à 16 équipes (contre 18 actuellement) a finalement été repoussé à 2020. De plus, la grande réforme prévue se fait toujours attendre, malgré plusieurs annonces avortées. Au fil du temps, Brian Cookson semble s’être laissé gagner par Velon, regroupement de riches équipes (10 équipes World Tour), qui a pour projet de lancer une ligue fermée, à l’instar de la NBA ou de la Formule 1. Sauf que la pilule ne passe pas et, ASO en tête, une bonne partie du monde du cyclisme a levé le bouclier contre Velon et les mesures de Cookson.

Le Tour de Californie a été promu en World Tour dans une réforme controversée

Côté sécurité, le Président de l’UCI a pris des mesures en fin de mandat. En juin, la décision a été prise de passer le nombre de coureurs par équipes sur les Grands Tour de 9 à 8. Une section sur la prévention des risques a également été ajoutée au Cahier des Charges des organisateurs World Tour. Et hier, l’UCI a annoncé une baisse du nombre de coureurs sur toutes les autres courses internationales (de 8 à 7 maximum). Petit bémol, l’institution mondiale n’a pas été moteur de ce projet, mais a surtout agi après les demandes des organisateurs.

 

A la fin de son Manifeste, Brian Cookson disait : « je crois que nous avons besoin d’une nouvelle UCI ». Force est de constater que si la lutte anti-dopage a été améliorée (mais pas révolutionnée), le reste n’a pas subi de changement majeur et n’a pas franchement dévié de la ligne des prédécesseurs de Cookson. A quelques jours de l’élection du nouveau Président de l’UCI (Brian Cookson fera face à David Lappartient), on peut dire que Cookson a bien « appuyé sur le bouton de réinitialisation ». Mais il y a encore de nombreux gravats de l’UCI made in Verbruggen-McQuaid qui restent à balayer.


[1] Le règlement du MPCC requiert « un arrêt de 8 jours » et « un non départ de la compétition pour le lendemain » « en cas de résultat anormal ». Le « MPCC tient à rappeler que ces tests de cortisolémie sont effectués dans le cadre de la santé et non de la lutte antidopage ».

 

Par Matthieu S.

Crédit photo : Doha Stadium Plus Qatar, UCI World Cycling Centre & Ray Rogers via Flickr
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Re: Quel bilan tirer du mandat de Brian Cookson ?

Messagepar mabouille8 » 20 Sep 2017, 10:26

Ah bon McQuaid est parti!! :moqueur:

Edit: J'ai lu t'article..

AG2R a écrit:(...)L’antidopage comme priorité
(...)Cependant, on peut considérer que l’UCI ne va pas jusqu’au bout des choses. Brian Cookson voulait « révolutionner l’approche de l’anti-dopage » mais s’il y a eu amélioration, on ne peut pas pour autant parler de révolution. La révolution aurait plutôt été de s’aligner sur le Mouvement pour un Cyclisme Crédible (MPCC), qui a des restrictions supérieures aux codes antidopage actuels.
(...)A la fin de son Manifeste, Brian Cookson disait : « je crois que nous avons besoin d’une nouvelle UCI ». Force est de constater que si la lutte anti-dopage a été améliorée (mais pas révolutionnée)(...)


Tout a fait d'accord! Je ne peux pas dire que son "dossier prioritaire" en a eu l'aspect.
Je vote "nouvelle UCI sans Brian Cookson".
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Re: Quel bilan tirer du mandat de Brian Cookson ?

Messagepar AG2R » 20 Sep 2017, 14:29

Au passage je poste le programme de Cookson de 2013 si vous voulez y jeter un oeil : https://web.archive.org/web/20130928011733/http://www.briancookson.org/files/6313/7208/9499/Manifesto_BC_English.pdf
(Par contre c'est en anglais, son programme a été supprimé de son site et impossible de le retrouver autrement)
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Re: Quel bilan tirer du mandat de Brian Cookson ?

Messagepar mabouille8 » 21 Sep 2017, 11:41

Kvelertak a écrit:
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Je n'était apparemment pas le seul a penser cela..
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Re: Quel bilan tirer du mandat de Brian Cookson ?

Messagepar Nico32 » 21 Sep 2017, 14:45

Bon article AG2R, très pro :ok:
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