Écrit le par dans la catégorie Autres disciplines, Polémique.

A chaque olympiade, les coureurs de l’équipe de Grande-Bretagne savent démultiplier leur niveau et mettre à profit leurs innovations technologiques pour remporter le maximum de médailles. Mais ce résultat est-il logique pour la Nation qui investit le plus d’argent dans la discipline ou doit-on s’interroger sur cette perfection quadriennale ?

L’inévitable soupçon

En 2012 le soupçon planait déjà sur l’équipe britannique qui remportait à Londres 7 des 10 épreuves. Jason Kenny largement dominé par Baugé aux mondiaux se révélait intouchable en Vitesse. Chris Hoy se révélait imprenable sur le Keirin. Ed Clancy, coureur de l’omnium, faisait un kilomètre digne des meilleurs spécialistes. Philip Hindes, lanceur de l’équipe de Vitesse, chutait volontairement pour relancer la course (une méthode pour le coup assez courante). Personne ne semblait vraiment comprendre les raisons de la forme de l’équipe britannique, les questionnement se portant majoritairement sur la matériel, et notamment les roues utilisées par l’équipe de Grande-Bretagne. Or, à Rio, en 2016, le constat s’est encore aggravé. Tous les Britanniques engagés sont repartis avec une médaille, plusieurs records mondiaux ont sauté, et les questionnement sur les performances s’accompagnent de décisions arbitrales douteuses. 

Le fait est que tous les résultats britanniques sont à peu près justifiables. Jason Kenny est le champion du monde de la Vitesse en titre, comme Laura Trott sur l’omnium. Rebecca James de retour après avoir soigné un cancer est une ancienne double championne du monde Vitesse et Keirin en 2013. L’équipe de poursuite a su corriger ses erreurs techniques des mondiaux. Mark Cavendish peut s’appuyer sur son statut de meilleur sprinteur sur route. Même les moins connus ont des références intéressantes : Callum Skinner est champion d’Europe du kilomètre en 2014 et Katy Marchant a de beaux résultats dans la catégorie espoirs. Mais tous ont évolué à des niveaux bien au-dessus de ce qu’on attendait d’eux. Les sprinteuses Kristina Vogel et Anna Meares ont ouvertement déclaré se demander comment les Britanniques faisaient pour arriver à un tel niveau, tout comme l’entraîneur de l’équipe de France, Laurent Gané.

Professionnalisme et matériel

Encore une fois le matériel peut être interrogé. Comment se fait-il que tant de records mondiaux tombent, et plus encore certains effectués dans des circonstances particulières. Si le record du monde de poursuite par équipes peut tomber, le record du monde du 200 mètres lancé, réalisé en altitude, ne devrait même pas pouvoir être inquiété. A ce titre on peut s’interroger sur la performance possible d’un Britannique si le kilomètre aurait été au programme. Et si le matériel est responsable de cette domination, pourquoi la Grande-Bretagne est-elle aussi ouvertement la seule à en profiter. Les Etats-Unis qui avaient misé gros sur la poursuite féminine et ont pensé jusqu’à changer le plateau de côté pour gagner du temps, n’ont pu que constater leur impuissance face aux Britanniques pourtant battues aux mondiaux. Du côté anglais, on évoque une peinture révolutionnaire pour le cadre. Il est en tout cas certain qu’avec un budget bien au-dessus des autres Nations (35 millions d’euro contre 20 pour l’Australie par exemple) la piste peut se développer plus facilement outre-manche. 

Il n’empêche que le matériel semble une raison trop limitée pour expliquer la domination Britannique. On évoque un encadrement plus pro, une meilleure reconnaissance pour les athlètes soutenus et rémunérés par leur fédération, et ne subissant donc pas la même pression du résultat que dans les autres pays, et pouvant donc se concentrer à fond sur les JO. Un milieu toutefois pas si parfait si on croit les conflits qui ont émergé en avril lors de l’éviction de Jessica Varnish et de la suspension de Shane Shutton. La vision d’un Bradley Wiggins utilisant un inhalateur avant le départ de la poursuite, lui qui n’est pas réputé pour être asthmatique, laisse aussi circonspect. Au-delà de l’aide matérielle, avoir tous les coureurs présents aux Jeux à leur meilleurs niveaux est un tour de force qui ne peut pas laisser indifférent. On aimerait connaître les méthodes d’entraînement qui aboutissent à un tel résultat, et pourquoi pas avoir accès aux données physiologiques des coureurs.

Le cyclisme en souffrance

Au-delà de cette domination, prévisible selon certains observateurs, les décisions arbitrales bienveillantes envers les coureurs britanniques ont aggravé l’impression de compétition truquée. Si le cas de Mark Cavendish est bien trop flou pour savoir si la sortie de ligne était volontaire ou non, et aurait été à juste titre vivement contestée en cas d’exclusion, n’avoir aucun avertissement est toutefois surprenant. Plus grave, la non-exclusion de Jason Kenny lors de la finale du Keirin a été vivement questionnée. La non-exclusion de Joachim Eilers lors du deuxième faux-départ ne laisse aucun doute sur la faute de Kenny, les commissaires n’osant pas prendre une décision aussi inéquitable. Le pire vient surtout de l’intrusion du staff anglais dans le box des commissaires, tablette à la main, pour venir expliquer que non, Kenny n’était pas en faute. La Grande-Bretagne paraît dominer jusque dans les décisions arbitrales, alors même que des conflits d’intérêts sont régulièrement évoqués au sein de l’UCI.

Tout cela au fond ne pourrait être que du soupçon mal placé : une honte selon Iain Dyer, le patron de la piste anglaise. Seulement l’image du cyclisme en ressort sévèrement écorchée. Pour l’intérêt de la piste d’abord, la domination britannique ne peut être que négative. Si en manque de médailles les autres fédérations délaissent la discipline, celle-ci pourrait ne pas s’en relever. On peut se demander si une uniformisation du matériel n’est pas une solution à envisager très sérieusement. Mais plus encore, c’est le cyclisme qui perd en crédibilité : comment défendre Christopher Froome sur la route quand les Anglais semblent pouvoir faire n’importe quoi et gagnent outrageusement sur la piste ? A l’issue de ces Jeux le vélo conservera son image de sport de triche et de performances anormales. On ne demande pas aux Britanniques de ne pas gagner. Leur première place au tableau des médailles est logique vis-à-vis de leur moyens et de leur amour de la piste. On leur demande simplement d’expliquer leurs résultats autrement que par un changement de peinture de cadre.

 par bullomaniak

Crédit photo : Wikicommons, Fernando Frazão/Agência Brasil

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Re: Les Jeux de la honte

Messagepar Médé33 » 25 Aoû 2016, 16:12

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Re: Les Jeux de la honte

Messagepar Krowar » 15 Oct 2016, 18:30

Bullomaniak a écrit:A ce titre on peut s’interroger sur la performance possible d’un Britannique si le kilomètre aurait été au programme.


Ouch :cry:
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Re: Les Jeux de la honte

Messagepar jojodemarni » 18 Oct 2016, 09:28

Krowar a écrit:
Bullomaniak a écrit:A ce titre on peut s’interroger sur la performance possible d’un Britannique si le kilomètre aurait été au programme.

Ouch :cry:

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Cela dit, très bon article. Etant en vacances au moment des JO, j'avais raté la petite bouchée d'inhalateur :moqueur:
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