Écrit le par dans la catégorie Analyses, Coup de bordure.

Nous sommes en plein coeur de la saison chinoise. Le Tour of Beijing (épreuve World Tour qui vivait sa dernière édition) l’a lancé. Puis dans la foulée, il y avait le Tour de Hainan (2.HC, qui a attiré quelques équipes World Tour), le Tour of Taihu Lake (2.1) et d’autres épreuves moins renommées vont nous occuper d’ici la fin de l’année civile. L’occasion parfaite pour nous intéresser de plus près au cyclisme chinois.

Les premières épreuves remontent  à 2002, avec le Tour of China, qui a fait des allers et retours au calendrier, ou le Tour of Qinghai Lake, auquel nous avons déjà consacré un article. Aujourd’hui la Chine dispose de 8 courses labellisées UCI, toutes étant des courses à étapes en général assez longue, durant d’une semaine à quinze jours.

Sur le plan des performances individuelles, il y a tout de même assez peu à remarquer. Au début des années 2000, plusieurs cyclistes marchaient bien localement. Tang Xuezhong s’est distingué sur le circuit asiatique, alors moins professionnel qu’aujourd’hui. Il avait notamment remporté le Tour of Korea 2002, devançant notamment Ghader Mizbani, avant de mettre un terme à sa carrière. On trouvait aussi Guo Zhangwang, 4ème du Tour of Qinghai Lake 2002, puis 3ème en 2003.

A la fin de leur carrière il y eut un léger creux, rapidement comblé par Li Fuyu. Ce nom vous parle certainement car il fut le premier chinois à courir en World Tour, chez Discovery Channel puis chez Trek. Malheureusement pour le cyclisme chinois, il fut contrôlé positif au Clenbuterol.

Li Fuyu avait bien assimilé les codes -malheureux- du peloton européen ...

Li Fuyu avait bien assimilé les codes -malheureux- du peloton européen …

Un autre chinois avait émergé en même temps : Ma Haijun. Passé par le Centre Mondial du Cyclisme, il avait notamment terminé 5ème du Tour of Hainan, mais il ne trouva jamais de débouchés en Europe. Des débouchés trouvés de manière beaucoup plus étonnante par toute une génération sans grand résultat, plus ou moins imposés par les sponsors à l’équipe Skil – Shimano. Les premiers furent Xu Fang (2006-2007) et Jin Long (2006-2010), rejoint en 2007 par Ji Cheng (2007 – …). Celui ci est, depuis le mois dernier, le premier chinois à avoir pris part au Tour de France. Terminant bon dernier, il a tout de même effectué un bon travail d’équipier, chassant derrière les échappées tous les jours où la route était plate. Certes il était là pour un rôle purement marketing, mais son abnégation à la tâche lui a permis de passer de longues saisons dans le peloton professionnel, alors que comme les premiers cités, il n’avait aucune référence. Xu Fang quittant l’équipe, c’est Ji Jianhua qui le remplaça une saison, puis Feng Han (2009-2011).  Ce dernier était peut être un peu plus solide, mais manquait aussi de coffre pour tenir le choc des courses européennes. Enfin notons que Xin Yandong a fait un passage express chez Argos l’an passé. On peut toutefois se poser la question du réel intérêt de ces recrutements de coureurs chinois anonymes, alors que certains, même si ça reste en deça, marchent plutôt correctement.

C’est désormais qu’il nous faut citer Wang Meyin, qui a éclos en 2011, où il termina 4ème du Tour of Hainan, avant d’exploser au grand jour en 2013. Auteur d’un long raid il remporta la troisième étape du Tour du Langkawi, arrivant à Cameron Highlands. Il mena deux jours l’épreuve, avant de devoir céder sur les pentes de Genting Highlands, mais termina néanmoins à une belle 5ème place, qu’il agrémenta d’une 7ème place sur le Tour of China I. Il est certainement aujourd’hui le seul cycliste chinois a pouvoir prétendre à un poste au sein d’une formation World Tour par son seul talent.  Le dernier Tour of Hainan en fut la parfaite démonstration. Audacieux, offensif, il grignota des secondes sur les sprints intermédiaires, lui permettant de mener un jour l’épreuve, au nez et à la barbe des sprinteurs. Dès que la route s’éleva, il fut le seul chinois à suivre le peloton. Il termina 10ème de l’étape reine, entre Moises Duenas et Matteo Bono, ce qui lui assura au final une belle 8ème place, après avoir accroché cet été une 6ème place sur le Tour of China II, grâce à son caractère offensif. Enfin il vient d’achever le Tour of Taihu Lake à une belle 5ème place. Et la saison chinoise n’est pas finie … Malgré cela, les portes des équipes européennes ne s’ouvrent pas à lui, alors que Giant aurait eu tout intérêt à le recruter, plutôt que de garder un autre anonyme tel qu’elle en eut pendant des années…

Il faut noter aussi que la Chine a eu une équipe continentale professionnelle : Champion System. Equipe plus internationale que réellement chinoise, elle a tout de même donné sa chance à plusieurs locaux, dont Xu Gang. Stagiaire en 2006 chez Lampre, il retourna faire ses preuves en Asie, remportant notamment le Tour of South China Sea à Hong Kong, ainsi que trois fois le championnat de Chine. Cette année il a resigné chez Lampre. Mais en 2014, ce sont d’autres chinois que l’on a aperçu. Ceux de Giant – Champion System. Pour la plupart très jeunes, ils se sont montrés en second rideau sur le Tour de Corée, notamment Liu Xin Yang, qui termine dans le Top 10 de l’étape reine, ou Jiang Zhi Hui, qui sprintait entre la 10 et 15ème place dans le peloton. Ces jeunes font partis des rares qui ont la chance de courir à l’international, et peut être, de pouvoir espérer un jour, devenir des coureurs réguliers du World Tour.

Champion System a ammené de nombreux coureurs asiatiques en Europe, comme ici Wu Kin San (HKG)

Champion System a ammené de nombreux coureurs asiatiques en Europe, comme ici Wu Kin San (HKG)

En attendant, ils font carrière dans une des innombrables formations chinoises recensées auprès de l’UCI. En 2005 il n’y avait qu’une équipe : Marco Polo Cycling Team. En 2009 elle fut rejoint par deux nouvelles formations, puis elles furent 7 en 2011, 9 en 2012, 10 en 2013 et désormais 11 en 2014 !

Le cyclisme chinois manque cruellement d'un grand leader.

Le cyclisme chinois, en manque de vitesse

Nous vous laissons découvrir la liste : China 361° Cycling Team, China Hainan HNB – Yindongli Cycling Team, China Wuxi Jilun Cycling Team, Gan Su Sports Lottery, Giant – Champion System Pro Cycling Team, Hengxiang Cycling Team, Holy Brother Cycling Team, Malak Cycling Team, Ningxia Sports Lottery Cycling Team, Qinghai Tianyoude – BH Cycling Team, Team Lushan Landscape (débutant l’année comme China Huasen Cycling Team).

Ces équipes sont principalement composées de locaux, mais elles font appels à des pigistes pour les grands événements ! Ainsi China 361° fait appel à des Ouzbeks depuis 2012, Ningxia Sports Lottery, et avant Malak, font appels à des mongols, alors que d’autres importent des européens ou des sud américains qui tentent de faire carrière ailleurs, comme l’ukrainien Ruslan Grischenko, qui revient à chaque été en Chine.

Malgré ce grand nombre d’équipes, le cyclisme chinois peine à décoller. Champion System offrait une belle porte d’accès à l’Europe aux meilleurs locaux, et surtout un entraînement plus professionnel. Malheureusement cela a cessé … il faut désormais attendre qu’une nouvelle formation émerge, et offre de bonnes conditions d’entraînement aux locaux. De même, la fédération chinoise pourrait créer un groupe professionnel, comme l’a fait la fédération de Hong Kong, qui permet de professionnaliser les meilleurs locaux. Ce groupe pourrait se concentrer sur les juniors et espoirs et les faire courir, à l’année, sur la Nation’s Cup aux côtés des jeunes européens. Car à l’heure actuelle, on peine à trouver des jeunes talents dignes de ce nom.

Statistiques :

Classement de la Chine à l’UCI Asia Tour et du meilleur coureur chinois

2005 : 10ème (Zheng Xiaohai 49ème)

2006 : 9ème (Li Fuyu 23ème)

2007 : 15ème (Ma Haijun 88ème)

2008 : 5ème (Xu Gang 24ème)

2009 : 8ème (Xu Gang 35ème)

2010 : 12ème (Jiang Kun 142ème)

2011 : 13ème (Yang Jing 101ème)

2012 : 14ème (Wang Meyin 91ème)

2013 : 9ème (Wang Meyin 31ème)

2014  : 18ème (Wang Meyin 139ème)

 

Le classement UCI nous permet aussi de constater que la Chine, grande nation de plus d’un milliard d’habitants, est mise en difficulté par une toute petite partie de son territoire : Hong Kong. Comme dit plus haut, Hong Kong a monté un groupe professionnel autour de ses meilleurs coureurs. Meilleurs coureurs, qui, aujourd’hui, ne sont pas non plus extraordinaires, il est vrai. Mais Hong Kong a eu quelques grands coureurs asiatiques. Wong Kam Po, retraité depuis fin 2013, a conquis de nombreux bouquets sur le circuit asiatique pendant plus de 10 ans. En 2012 encore il terminait 2ème du Tour de Taiwan (2.1) ou remportait les championnats d’Asie. Mais celui qui aurait pu devenir le grand cycliste asiatique de demain était Choi Ki Ho.  Très talentueux, il est passé par le centre mondial du cyclisme, qui lui a donné une formation exemplaire.  En 2012 il explosa au grand jour sur les courses chinoises, s’adjugeant le Tour de Fuzhou, et terminant 3ème du Tour of Taihu Lake. En prime il remportait le très difficile Tour de Ijen en Indonésie, grâce à ses talents de grimpeur. Après avoir remporté le Tour de Thaïlande, il a été contacté fin 2013 par Orica – GreenEdge. Et là surprise : ce grand espoir a décidé de mettre un terme à sa carrière et de se concentrer sur ses études ! Un coup dur poré au cyclisme de Hong Kong, mais celui qui fut son équipier, Cheung King Lok, repris le flambeau. Il termina cette année 2ème du Tour de Thaïlande, mais aussi 9ème du Tour de Corée, épreuve 2.1 assez montagneuse. Ca n’est pas une révélation car lui aussi a brillé l’an passé, et même il y a deux ans, sur le circuit asiatique.

Wong Kam Po, ancien pilier du cyclisme Hong-Kongais

Wong Kam Po, précurseur du cyclisme Hong-Kongais

Lorsque l’on parle de Hong Kong il faut aussi nommer Yeung Ying Hon (dit Ronald), coureur pour l’équipe de Singapour OCBC, qui a brillé cette année lors du Grand Tour d’Algérie, prenant la 3ème place du Tour d’Algérie, la 5ème du Critérium de Sétif ou la 2ème du Circuit d’Alger.

Si un si petit territoire qu’Hong Kong peut fournir des talents, au moins à l’échelle asiatique, il semble tout de même assez cocasse que la Chine n’y arrive pas. Il faut se poser clairement la question des moyens mis en oeuvre pour développer le cyclisme sur route en Chine… l’annulation du Tour of Beijing pour les années à venir n’est pas des plus rassurantes. Mais dans un pays si peuplé, avec autant d’équipes continentales et des courses professionnelles, il y aura forcément, dans les années à venir, un coureur sortant du lot. La question est plutôt de savoir quand …

Vous avez envie de parler du cyclisme chinois ? Envie de suivre au plus près la saison asiatique ? Pour cela, un seul endroit : https://legruppetto.fr/forum/viewtopic.php?f=12&t=178   !

Par vino_93

crédit photos : Tour of Qinghai Lake, wikicommons

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Modérateur: Animateurs cyclisme pro

Re: Cyclisme chinois : passé, présent et perspectives d’aven

Messagepar Antoine_Blondin » 16 Mar 2015, 19:57

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