Écrit le par dans la catégorie Coup de bordure, Edito.

Cette année, le Tour de Turquie fête ses 50 ans. L’occasion de se pencher sur cette course, qui ces dernières années a pris une importance de plus en plus grande.

Rappel historique

C’est en 2002 que le Presidential Tour of Turkey fait son apparition dans le calendrier UCI, en catégorie 2.5. Un « one-shot » d’un an, pour un retour en 2004, puis un passage en 2.2 suite à la refonte des catégories en 2005. La  course gardera ce statut jusqu’en 2007. La course a alors un impact régional. Elle oppose les meilleurs formations locales, mais aussi quelques équipes du Proche Orient, d’Iran ou d’Europe de l’Est. Ainsi en 2002, c’est l’iranien Ghader Mizbani qui s’impose. Il doublera la mise en 2006, alors que son compatriote Ahad Kazemi s’impose en 2004. Deux bulgares remportent les éditions restantes : en 2005, Svetoslav Tchanliev, et en 2007 Ivailo Gabrovski.

Ghader Mizbani, double vainqueur de l'épreuve

Ghader Mizbani, double vainqueur de l’épreuve

En 2008 la course passe 2.1. Elle attire donc l’intérêt de certaines formations européennes de bon niveau, notamment les équipes espagnoles. En 2008, David Garcia Dapena, de Karpin, s’impose, devançant Jose Alberto Benitez (Saunier Duval) et Pieter Jacobs (Silence). On notait aussi la présence des équipes Astana, Milram et Lampre côté Pro Tour. Mais le plateau restait composé d’équipiers de ces grandes formations, à l’exception d’Alessandro Petacchi. Même chose en 2009 avec le succès de Daryl Impey (Barloworld). Le plateau se professionnalise un peu plus, mais reste toujours assez faiblard.

En 2010, l’UCI classe le Tour en HC. Ce coup de boost va profondément changer la face de cette épreuve. Greipel y va le premier, amenant dans son sillage quelques seconds couteaux et jeunes espoirs. C’est l’italien Visconti qui s’impose, devant un jeune espoir, Tejay van Garderen, et l’expérimenté David Moncoutié. L’année suivante, Greipel est moins seul, avec Petacchi, Farrar,  Guardini, et d’autres sprinteurs. Alexander Efimkin s’imposera. Mais il manque toujours quelque chose à cette épreuve pour qu’elle décolle vraiment. Cette chose apparaîtra en 2012 : une véritable étape de montagne. L’ascension d’Elmali va devenir le premier haut lieu de cette course, alors qu’autrefois la différence se faisait par de grosses échappées dans des étapes escarpées, souvent entre Bodrum et Marmaris.

C'est dans le magnifique cadre de Marmaris que plusieurs Tour de Turquie ont trouvé leur vainqueur

C’est dans le magnifique cadre de Marmaris que plusieurs Tour de Turquie ont trouvé leur vainqueur

Puis pour renforcer la course, une deuxième ascension clé va voir le jour : la montée de la Vierge Marie à Selcuk. Beaucoup plus courte, mais plus intense, plus pentue. Elle fait appelle à l’explosivité des coureurs. La course a définitivement trouvé sa formule.

 

Les raisons du succès

Alors pourquoi cette course fonctionne ? La première raison est sans doute la place dans le calendrier. Début mai marque la reprise des courses pour les coureurs visant le Tour de France, tout particulièrement les sprinteurs. La météo clémente, les routes pas tout à fait plate, et 6 opportunités de succès sont un véritable plus.

Du côté du général, le Tour de Turquie s’est imposé comme étant une course laboratoire. Les grandes formations y envoient souvent leurs jeunes espoirs, qui affrontent des seconds couteaux qui se voient là offrir une opportunité de prendre le leadership, et de s’affirmer. Pourquoi ces choix ? C’est encore une histoire de calendrier. La course débute à la fin de la période des ardennaises, où de nombreux leaders sont présents. En parallèle se déroule le Tour de Romandie, course de préparation au Giro, et surtout faisant partie du World Tour. Cela laisse donc le champ libre aux jeunes, et aux coureurs n’étant pas présents sur les autres fronts, notamment les coureurs d’équipes continentales professionnelles.

 

Ces jeunes sont un véritable plus pour la course. Moins stéréotypés que leurs leaders, et sans oreillettes pour les rappeler à la raison, ils tentent tout. Le parcours offre de nombreuses opportunités pour cela. On se rappellera notamment en 2012 d’une fin de course totalement folle, où les opposants à Gabrovski tentaient d’attaquer dans chaque côte du final, et notamment Romain Bardet. Ainsi en 2012 et 2013, de nombreux jeunes se sont révélés : Romain Bardet, Michal Golas, Daniel Teklehaimanot, Natnael Berhane, Yoann Bagot, ou encore Nicolas Edet ont beaucoup appris sur cette course, affrontant des leaders secondaires comme Danail Petrov, Alexandr Dyachenko, Kevin Seeldrayers, Darwin Atapuma, …

L’autre point fort de la course, c’est évidemment la diffusion télé d’Eurosport. La chaîne internationale prend très au sérieux la course, qu’elle traite comme un grand événement. Ajoutez à cela un vrai intérêt local pour la course (à l’inverse de certaines épreuves chinoises par exemple), et vous avez un cocktail intéressant pour les principales formations du peloton.

 

Torku, une menace pour l’épreuve ?

Torku – Seker Sport. Vous ne connaissez peut-être pas cette équipe continentale, la seule de Turquie aujourd’hui. Elle existe depuis 2011. Lors de sa création, elle alignait principalement des turcs et des bulgares. En 2012 elle a recruté plusieurs ukrainiens, tels que Metlushenko, tout en gardant Gabrovski. Ce dernier avait initialement remporté le Tour de Turquie, mais … il fut contrôlé positif à l’EPO et céda son succès à Dyachenko.

Ivailo Gabrovski est lui aussi un adepte des rictus particuliers en plein effort ...

Ivailo Gabrovski, vainqueur en 2007, déclassé en 2012

 

Il s’agissait d’une mauvaise publicité pour l’épreuve. Les organisateurs étaient encore très sceptiques au départ de l’édition 2013. L’équipe Torku s’était un peu renforcée, en recrutant David de la Fuente et Andrey Mizourov. Ce qui faisait le plus peur aux organisateurs, c’était surtout le fait que l’équipe arrive avec un bus à l’effigie de Gabrovski et son succès volé.

Et l’escroquerie fut encore là. Le turc Mustafa Sayar a trompé son monde. Trop fort, il fit craquer un à un ses adversaires lors de l’arrivée à Selcuk, et s’empara du maillot de leader au détriment de Natnael Berhane. Il est encore aujourd’hui dur de lire le niveau de Sayar … l’année d’avant, il terminait à plus d’une heure quarante de son leader. Etait-ce là son vrai niveau ? Pas dit … Auparavant il avait obtenu de bons résultats sur des courses continentales turques, sans que ceux-ci ne souffrent d’aucune contestation. Ni surhumains, ni particulièrement mauvais. Quoi qu’il en soit, il n’est pas, naturellement, le coureur que l’on a vu. Encore une fois, il traînait dans la boue le Tour de Turquie. Selon les « on-dit », les organisateurs du Tour de Turquie auraient même fait pression pour qu’ils quittent l’épreuve la veille de l’arrivée.

Son contrôle positif est arrivé lors du Tour d’Algérie 2013, qui se déroulait au mois de mars. Il est toujours en attente de jugement, mais sa suspension ne fait quasiment aucun doute. Tout cela aurait pu être évité. Il était en effet révélé, une semaine avant le départ du Tour de Turquie, que trois coureurs avaient des échantillons sanguins « atypiques »  sur le Tour d’Algérie. L’identité de Sayar n’a été révélée qu’en juillet …

Ces deux cas posent question. Quelle est la politique pratiquée par Torku ? Pas du dopage à grande envergure, car le reste de la formation, à chaque fois, n’est pas bluffant. Alors, est-ce simplement du dopage ciblé sur un coureur, faute de moyen ? Ou bien s’agit-il d’initiatives personnelles ? Jusque là, personne n’en sait plus.

Pour 2014 en tout cas, les organisateurs ont été clairs. Torku ne pouvait être au départ qu’à une condition : adhérer au passeport biologique. Ce qu’ils ont fait. Cette décision ne dissipera pas pour autant les doutes. Une victoire de Torku n’empêchera pas les suiveurs de pointer à nouveau du doigt cette équipe. Cette situation pourrait d’ailleurs bien se reproduire. La recrue phare de Torku à l’intersaison s’appelle Juan Jose Cobo Acebo, vainqueur de la Vuelta 2011 ou du Tour du Pays Basque 2007. Une carrière marquée par des hauts et des bas qui lui offrent une réputation sulfureuse, en plus d’avoir appartenu à l’équipe Saunier Duval, marquée par le contrôle positif de Ricco sur le Tour de France 2008. Par son palmarès, Cobo est un favori logique, mais il est invisible depuis deux ans, deux saisons passées à la Movistar où il n’a pas réussi à conserver le même niveau qu’en 2011.

Juan Jose Cobo, lors de sa Vuelta victorieuse

Juan Jose Cobo, lors de sa Vuelta victorieuse

Une victoire de Juan Jose Cobo ferait donc inévitablement planer le doute, sa réputation s’associant à celle de son équipe. Quand bien même sa performance serait parfaitement honnête, elle risque de nuire à la course. Il sera difficile de faire taire les rumeurs, associant de fait le Tour de Turquie à une course où le dopage règne en maître. Sur ce sujet, les rumeurs se propagent rapidement dans le monde du cyclisme. Il serait donc préférable, surtout pour les organisateurs, que l’équipe Torku se fasse plus discrète cette année.

 

 

2014, suivez le guide !

Le Tour de Turquie 2014 s’élancera d’Alanya et se terminera à Istanbul. Deux étapes seront clés : celle d’Elmali et celle de Selcuk, comme l’an passé. L’étape Fethiye – Marmaris offrira de belles opportunités aux puncheurs, à moins que les sprinteurs ne s’accrochent et passent sans encombre l’ultime difficulté. Les autres étapes présentent toujours quelques côtes, mais devraient être réservées aux sprinteurs. 21 formations seront au départ, dont 8 équipes World Tour, 12 Continentales Pros, et 1 Continentale.

Les sprinteurs étant les premiers à se mettre en oeuvre, honneur à eux pour la présentation des individualités. On attend un très très grand duel entre André Greipel et Mark Cavendish. Le britannique s’aligne pour la première fois sur cette course, alors que Greipel est un habitué. Cavendish amène avec lui Petacchi, très expérimenté ici, mais aussi Steegmans, Meersman et Renshaw ! Face à eux, de nombreux très bons sprinteurs, certes un poil moins fort. Il s’agit d’Andrea Guardini, Theo Bos, Elia Viviani, ou encore Sacha Modolo.

Du côté des grimpeurs, le plateau se compose comme à son habitude de lieutenants devenus leaders et de jeunes. On citera Alexandr Dyachenko, vainqueur 2012, mais aussi Petr Ignatenko, Davide Rebellin, Yoann Bagot, Rein Taaramaë, Kevin Seeldrayers, et donc Juan Jose Cobo.

Vainqueur en 2012, Dyachenko pourrait-il décrocher un nouveau succès ?

Vainqueur en 2012, Dyachenko pourrait-il décrocher un nouveau succès ?

Côtés jeunes, suivons les frères Yates, qui pourraient se mettre en évidence, mais aussi le colombien Heiner Parra. Celui que tout le monde attend, c’est le jeune Erythréen Merhawi Kudus, 2ème du Tour de Langkawi, et qui marchera dans les traces de ses aînés, Teklehaimanot et Berhane.

 

Liste des équipes et têtes d’affiches 

Astana : Alexandr Dyachenko (KAZ), Andrea Guardini (ITA), …

Belkin : Theo Bos (NED), Barry Markus (NED), Graeme Brown (AUS), …

Cannondale : Davide Formolo (ITA), Elia Viviani (ITA), …

Katusha : Marco Haller (AUT), Petr Ignatenko (RUS), Luca Paolini (ITA), …

Lampre : Kristjan Durasek (CRO), Sacha Modolo (ITA), Ariel Maximiliano Richeze (ARG), …

Lotto : Kris Boeckmans (BEL), André Greipel (GER), …

Orica : Leigh Howard (AUS), Aidis Kruopis (LTU), Adam Yates (GBR), Simon Yates (GBR), …

Omega Pharma : Mark Cavendish (GBR), Gianni Meersman (BEL), Alessandro Petacchi (ITA), Mark Renshaw (AUS), Gert Steegmans (BEL), …

 

Bardiani : Enrico Barbin (ITA), Marco Canola (ITA), ..

CCC : Tomasz Kiendys (POL), Tomasz Marczynski (POL), Davide Rebellin (ITA), …

Caja Rural : Pello Bilbao (ESP),  Francesco Lasca (ITA), Heiner Parra (COL), Davide Vigano (ITA), …

Cofidis : Yoann Bagot (FRA), Nicolas Edet (FRA), Rein Taaramäe (EST), …

Drapac : Bernard Sulzberger (AUS), Wesley Sulzberger (AUS),  Wouter Wippert (NED), Jai Crawford (AUS), …

MTN : Linus Gerdemann (GER), Merhawi Kudus (ERY), Kristian Sbaragli (ITA), …

Neri Sottoli : Francesco Chicchi (ITA), Daniele Colli (ITA), Simone Ponzi (ITA), …

Novo Nordisk : Andrea Peron (ITA), …

Topsport : Michael van Staeyen (BEL), Jelle Wallays (BEL), …

UnitedHealthCare : Alessandro Bazzana (ITA), Marc de Maar (CUR), Robert Förster (GER), Ken Hanson (USA), …

Wanty : Wesley Kreder (NED), Danilo Napolitano (ITA), Frédérique Robert (BEL), Kevin Seeldrayers (BEL), Nico Sijmens (BEL) …

 

Torku : Juan Jose Cobo (ESP), Davide de la Fuente (ESP), Yuri Metlushenko (UKR), …

 

Diffusion télé live :

27/04 Alanya – Alanya (12h00 Eurosport 2)

28/04 Alanya – Kemer (12h30 Eurosport)

29/04 Finike – Elmali (14h00 Eurosport)

30/04 Fethiye – Marmaris (14h00 Eurosport)

01/05 Marmaris – Turgutreis (13h45 Eurosport)

02/05 Bodrum – Selcuk (14h00 Eurosport)

03/05 Kusadasi – Izmir (12h00 Eurosport 2)

04/05 Istanbul – Istanbul (12h00 Eurosport 2)

 

 

par Vino_93

crédit photos : Wikicommons

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