Écrit le par dans la catégorie Analyses, Coup de bordure.

Les coureurs sont servis sur cette étape avec une double ascension de l’Alpe d’Huez, sommet mythique et point de référence pour comparer les puissances développées par les leaders. Il y a deux ans, Pierre Rolland s’imposait, même si la meilleure montée étaient réalisée par Samuel Sanchez, en 41’45. Avec seulement 404 watts, il se situe loin du record de Marco Pantani, établi en 1995, avec 36’40 et le chiffre astronomique de 470 watts. Il est temps de passer le peloton au révélateur.

Les coureurs attendent la dernière montée pour s’expliquer

Comme à l’accoutumée sur ce Tour, le départ est rapide et la lutte pour prendre la bonne échappée intense. Cela se ressent sur l’ascension du Col de Manse, que Ryder Hesjedal boucle en à peine 15 minutes. Le peloton passe une poignée de secondes derrière, en ayant avalé ce col à près de 450 W de moyenne. Les coureurs sont d’entrée dans le bain, avec des performances similaires à celles observées durant le contre-la-montre de la veille. Le terrain était ressemblant, mais les coureurs ne pouvaient pas profiter de l’aspiration qui n’est pas négligeable ici.

Temps de montée et puissance développée sur le Col de Manse

Temps de montée et puissance développée sur le Col de Manse

Le reste de l’étape est plus calme. L’échappée sort enfin et s’octroie une belle avance. Derrière, un duo Paulinho-Roche, tous deux de l’équipe Saxo-Tinkoff, se détache. En chasse-patate, ils s’épuiseront dans la plaine, pour se faire reprendre dans la première ascension de l’Alpe d’Huez. Le Col d’Ornon, précédant cette montée est abordé assez calmement. Arnold Jeannesson passe le premier au sommet en 14 minutes environ. Le peloton a lui repris un peu de temps sur cette ascension, 18 secondes. Les leaders restent bien à l’abri, à 394 W sur cette montée, tandis que l’échappée s’observe en vue du gros morceau à seulement 380 W.

Temps de montée et puissance développée sur le Col d'Ornon

Temps de montée et puissance développée sur le Col d’Ornon

La première montée de l’Alpe d’Huez est abordée détachée par cinq hommes, qui formeront rapidement un trio composé de Van Garderen, Riblon et Moser. L’Américain fera une bonne partie de la montée seul avant de se faire rejoindre au sommet. Sur la montée de l’Alpe proprement dite, amputée d’un kilomètre et demi, le trio a mis 38’36 pour grimper. Ceci correspond à un rythme soutenu de 400W qui risque de laisser des traces dans le final. Le peloton s’est laissé emmené par le train Sky et n’affiche que 39 minutes au compteur, soit une performance de 394 W à nouveau. A 50 km de l’arrivée, avec un grand col restant à escalader, c’est déjà une allure rapide, qui annonce un final difficile pour certains. Entre temps, un petit groupe composé notamment de Nieve, Rolland et Schleck est sorti dans la montée, ne reprenant presque rien aux échappés, 12 secondes seulement pour afficher 402 W.

Temps de montée et puissance développée sur le premier passage de l'Alpe d'Huez

Temps de montée et puissance développée sur le premier passage de l’Alpe d’Huez

 

Le festival Chris Froome… puis la défaillance

La puissance n’a pas été calculée au Col de Sarenne, trop court et perturbé par un long faux-plat descendant, empêchant de donner du crédit aux chiffres qui pourraient en sortir. Nous retrouvons donc les coureurs à Bourg d’Oisans, pour cette fois-ci, se hisser jusqu’au sommet et affronter les 13,8 km tant redoutés. Movistar emmène un train rapide sur le pied de l’ascension, ce qui n’empêche pas Chris Froome d’attaquer dès le deuxième virage. La formation ibérique a été chronométrée à 442 W sur les 1500 premiers mètres, ce qui donne le ton de cette dernière montée. Chris Froome, après avoir désorganisé le peloton et forcé Porte à assurer le train, place un second démarrage à la sortie du village de la Garde d’Oisans. L’allure a logiquement baissé, les coureurs n’étant plus qu’à 428 W depuis le pied de la montée. Cette nouvelle attaque n’est suivie que par Quintana et Rodriguez. La montée avait déjà décimée l’équipe Belkin, perdant Mollema et Ten Dam. C’est au tour de Saxo de payer les pots cassés, perdant successivement Kreuziger, puis surtout Contador. Porte arrivera ensuite à rejoindre le groupe de tête, bien aidé par Valverde, qui ne fera jamais la jonction. Après avoir fait le chrono en-dedans la veille, Richie Porte apparait dans un forme olympique, d’autant que le train ne faiblit. Entre La Garde et Huez, le quatuor s’est offert un effort de 17’30 à 440 W de moyenne, un rythme pratiquement équivalent à celui de Chris Froome à Ax.

Le leader panique alors à ce moment-là. Incident mécanique, début de fringale ? On ne sait pas trop l’instant. Froome est obligé de se faire ravitailler et de lever le pied. Est-il allé trop loin dans l’effort ou a-t-il été par autre chose ? A cet instant, la course change. Nairo Quintana et Joaquin Rodriguez ralentissent eux aussi, puis finissent par déposer le duo Sky. A l’arrivée, Quintana devance de peu Rodriguez. Bien qu’ils ont faibli dans la fin de l’ascension, ils réussissent tout de même à franchir la barre des 40 minutes, synonyme d’une montée plus qu’excellente. Le duo a développé 411W sur les cinq derniers kilomètres depuis Huez, pour une moyenne de 425 W sur toute l’ascension. Chris Froome arrive accompagné de Porte, en ayant ralenti à 374 W. Malgré cet incident, ils développent encore plus de 410 W sur toute la montée. Richie Porte reste une énigme, aurait-il été capable de devancer Quintana s’il n’avait pas été obligé de se relever tant il semblait facile, même au plus dur de l’effort. Derrière, Contador a souffert, développant 402 W, tout comme en 2011. L’Espagnol est bien loin de revenir au niveau exceptionnel qu’on lui a connu lors de l’édition 2009, affichant un visage plus humain.

Temps de montée et puissance développée sur la montée finale

Temps de montée et puissance développée sur la montée finale

La course à visage humain s’est courue en tête, avec un splendide duel entre TJ Van Garderen et Christophe Riblon qui a su mettre en évidence les qualités de gestionnaire et l’expérience du Français. Le scénario a été identique à la première montée, avec deux coureurs se battant à la limite de la rupture et un Américain trop gourmand. Van Garderen s’est effondré en fin de montée, laissant tout le champ libre à Christophe Riblon pour une victoire riche en émotion. Ce n’est pas la première fois que l’Américain n’arrive pas à maitriser son effort pour cueillir une victoire qui lui temps les bras (Superbesse en 2011, battu par Rui Costa). Affichant 390 W au compteur, Riblon signe une superbe performance, compte tenu du scénario et des efforts fournis tout au long de la journée.

Pour les meilleurs, les performances sont en hausse. Le pic de forme s’affine et le redoux observés avec l’arrivée des nuages et de la pluie a permis aux meilleurs de bien faire chauffer le moteur. Avec 5 coureurs au-dessus des 410 W, le niveau d’ensemble est bien meilleur qu’en 2011 où seulement deux coureurs avaient réussi à dépasser 400 W. Les performances restent loin du maximum entrevu en pleine période EPO entre 1994 et 1997, mais s’approchent des valeurs plus récentes, à l’exception du chrono de 2004. Nairo Quintana se hisse à 20 secondes de Carlos Sastre lors de l’édition 2008 et 45 secondes d’Iban Mayo en 2003. Seule l’année 2006 offre des chiffres un peu plus élevés. Les trois premières ascensions de ce Tour montrent que la courbe de la puissance repart vers le haut, après le creux des deux dernières éditions.

Par CSC_3187 // Image : Zehnfinger via Wikipedia Commons

Partagez