COUP DE FROID SUR LE TOURPar Arnaud BRISMANOOK - Grenoble, 18 juillet 2014On l'avait vue venir, mais il était difficile d'y croire, surtout en plein mois de juillet. Puis les prévisions se sont confirmées et pas dans le meilleur des cas : la vague de froid venant de Scandinavie a bien touché l'est de la France et les Alpes. Si les étapes de plaine étaient au mieux douces, au pire frisquettes dans les descentes, il était clair que les étapes de montagne n'allaient pas subir le même sort. Les températures étaient en dessous de zéro dès 1200 mètres d'altitude aujourd'hui, et cela s'est vu dans l'ascension de Chamrousse, dont le final s'est fait sous la neige. Image rare en plein juillet.
Mais surtout, car il s'agit du fait marquant de ce Tour : la chute et l'abandon de plusieurs coureurs dont Joaquim Rodriguez, dans la descente du col de Palaquit à cause des brouillards givrants et des pluies verglaçantes. Les leaders ayant levé le pied dans la descente, cela aura permis à Brice Feillu, un des quatre échappés du jour, de l'emporter à Chamrousse, cinq ans après son succès en Andorre. De quoi ravir l'équipe Bretagne-Séché Environnement, qui se félicite de ce succès. Néanmoins, pour demain, les coureurs vont devoir affronter une étape très différente de ce à quoi ils avaient été préparés à leur arrivée sur la Grande Boucle.
L'étape Grenoble - Risoul totalement remaniée : une première depuis dix-huit ansLes fortes chutes de neige attendues sur les Alpes dès 1600 mètres d'altitude demain ont poussé les organiseurs à prendre une mesure drastique. L'étape Grenoble - Risoul, pourtant supposée être l'étape reine des Alpes avec l'ascension des cols du Lautaret et du mythique col d'Izoard avant la montée finale, a été intégralement modifiée. Un tel cas de figure n'avait plus été vu sur le Tour depuis 1996 et l'étape entre Val d'Isère et Sestrières, qui avait été considérablement raccourcie à cause des abondantes chutes de neige rendant trop dangereux le passage par les cols de l'Iseran et du Galibier, le départ ayant été déplacé au Monêtier-les-Bains. Ici, point de changement dans les villes étapes : mais le tracé, lui, sera totalement différent.
"On a toujours des itinéraires de secours en cas de force majeure," répondit Christian Prudhomme au micro de France Télévisions dans l'émission d'Après Tour. "L'important pour nous est qu'on relie les deux villes-étapes quelque soit l'itinéraire. Il est évident qu'au vu des chutes de neige attendues cette nuit et demain sur les massifs alpins, l'itinéraire prévu ne pourra clairement pas être emprunté. Mais nous pouvons vous assurer que l'étape de demain restera toujours très exigeante et bien que d'un profil radicalement différent, elle pourrait surprendre les coureurs." Ce genre de modification arrive plus souvent sur le Tour d'Italie, se déroulant au mois de mai, où les températures sont bien plus basses qu'en plein juillet.
Une approche méridionaleDu coup, le passage de la course aux cols du Lautaret et de l'Izoard a été annulé, et les courageux spectateurs venus en camping-cars présents sur place malgré les températures glaciales ont été sommées par les autorités d'évacuer vers Gap, pour des mesures de sécurité. Du coup, le Tour se privera d'un col hors catégorie, qui était également son point le plus élevé. Le Tourmalet décernant déjà le Souvenir Jacques Goddet, c'est donc le premier à l'arrivée à Risoul qui sera le lauréat du Souvenir Henri Desgrange.
Le nouvel itinéraire Cependant, le tracé restera exigeant et bien que moins "alpin", il sera bien plus apparenté à une étape de montagnes russes. Il proposera l'ascension de la très connue Rampe de Laffrey, classée en 1ère catégorie, puis plusieurs côtes de 2ème et 3ème catégorie avant l'arrivée finale à Risoul, notamment aux abords du lac de Serre-Ponçon, ce qui devrait rappeler des souvenirs du contre-la-montre individuel de l'an dernier. Le tour repassera donc par Saint-Apollinaire et Puy-Sanières, avant d'aborder une montée inédite sur les hauteurs d'Embrun, celle du Château de Caléyère et ses pics à 10 %. Enfin, la côte des Clots, elle aussi inédite, précèdera la montée vers Risoul.
Le nouveau profil de l'étape Au niveau du classement du meilleur grimpeur, les 35 points décernés sur le Lautaret et l'Izoard seront presque intégralement redistribués sur les sept côtes répertoriées précédant la montée finale. Le dénivelé positif est presque similaire (4300 m contre 4100 m) et l'étape se rallonge d'une dizaine de kilomètres. Une variante légèrement plus longue de la montée de Risoul est également empruntée. Si les descentes s'avèrent sinueuses, Météo France garantit que la température ne sera pas en dessous de zéro dans les secteurs concernés. De quoi rassurer les coureurs ? En tout cas, selon Nicolas Portal, directeur sportif de la Sky, "la prudence restera de mise, et on fera tout pour protéger nos coureurs d'une chute malencontreuse".
Les Pyrénées épargnéesD'après les prévisions de Météo France, si la vague de froid persistera sur la France encore quelques jours, elle devrait se résorber en revenant vers le nord du pays. Les Pyrénées ne devraient donc pas voir la couleur blanche d'un flocon, et les routes devraient être belles et sèches, un beau soleil étant prévu jusqu'à jeudi dans le sud-ouest de la France. Les habitants de Barèges, sur les pentes du Tourmalet, peuvent souffler : après avoir subi la colère des cieux l'an dernier avec de graves inondations, ils vont pouvoir tranquillement voir les coureurs passer dans l'étape vers Hautacam. Ni la pluie, ni la neige ne devrait pouvoir gâcher la fête. En tout cas, avant d'en arriver là, la journée de demain s'avèrera, on l'espère, pleine de surprises.