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Le cyclisme italien a un avenir radieux devant lui. Que ce soit en sprint avec Jakub Mareczko ou en montagne avec le déjà vainqueur d’un Grand Tour Fabio Aru, la plupart des jeunes espoirs performent déjà. Seuls les puncheurs ne trouvent pas de successeur à Davide Rebellin. Il y a certes Giovanni Visconti ou Enrico Gasparotto, mais en dépit de leur âge, leur irrégularité est hélas plus connue que leurs performances. Pourtant non-destiné au vélo à première vue, un coureur semble se spécialiser vers les classiques. Sur le terrain des grands Bettini ou Ballan, Gianni Moscon veut prouver que l’Italie ne forme pas que des sprinters ou des grimpeurs.

L’histoire ferait les choux gras de France Télévisions : en parallèle de sa carrière cycliste, Gianni Moscon poursuit des études en ingénierie. Il faut dire que le natif de Trente n’a pas perdu de temps, démarrant sa première saison en espoir à seulement 18 ans, en 2012. Dans le circuit tertiaire italien, deux qualités sont nécessaires afin d’émerger : le punch et la vitesse. Moscon a les deux, et le prouve dès la fin du mois d’août de cette année. Au Giro della Lunigiana, il échoue au pied du podium, non sans être dans le top 5 du classement de la montagne et par points. Il se permet même d’être dans le top 10 de chacune des quatre étapes. Au général, il n’est battu que par trois hommes : Umberto Orsini, Silvio Herklotz et Matej Mohoric, le plus grand espoir des années 2010. Le Slovène est partout : sprint, montagne, vallons… Dans son sillage, Moscon se fait plus discret, n’enregistrant que trois maigres succès cette année-là, alors que Mohoric deviendra champion du monde junior à Valkenburg.

La saison 2013 est celle de la découverte du niveau professionnel pour le Trentino. Au sein de la Zalf-Euromobil, sa mission première est d’apprendre, au sein d’un effectif talentueux composé notamment de Frederico Zurlo, Simone Andreetta et Giacomo Berlato. Il performe néanmoins en espoirs, et décroche ainsi un bouquet, au Trofeo Tecmor, et un podium au Circuito dell’Assunta (3e). Néanmoins, lors de ses rares apparitions à l’échelon supérieur, il se mue en équipier, comme lors de la Ruota d’Oro, où son travail permet à Andrea Toniatti de lever les bras.

Moscon levant les bras au Trofeo Tecmor devant Michele Simoni et Simone Andreetta

2014 est l’année du déclic. D’équipier, il acquiert un statut de leader, dans une équipe qui a alors perdu son meilleur coureur : Andrea Zordan. Abandonnant petit à petit le circuit espoir pour se consacrer aux pros, Moscon ne tarde pas à voir son travail aboutir. Dès mars, il lève les bras au Frare de Nardi. Il continue de se dévoiler chez les grands – où il retrouve ses anciens adversaires juniors – avec trois tops 10 au Giro del Belvedere, au G.P. Palio del Recioto et au Trofeo Alcide Degasperi. Si ces résultats peuvent paraître dérisoires, on retrouve dans ces classements des coureurs étant présents au haut-niveau actuel (comme Pibernik ou Herklotz), mais aussi d’autres prenant plus de temps pour se dévoiler (citons Spengler ou encore Tedeschi). Lors des championnats d’Italie de contre-la-montre, catégorie espoirs, Moscon réalise un petit exploit en terminant aux portes du top 10. La panoplie d’un coureur complet ne s’arrête pas à bien passer les bosses et aller vite, et cela l’ingénieur trentino en fait la preuve. Sa courbe de progression s’accroît au fur et à mesure de la saison : de top 10, il passe à top 5, jusqu’à cette seconde place au GP Capodarco, seulement battu par Robert Power. En parallèle, les résultats s’enchaînent dans le circuit espoir, avec la bagatelle de 9 podiums. La fin de saison de Moscon sera plus timorée : l’Italien s’essaie à la montagne du Tour de l’Avenir, mais la marche est encore trop haute pour lui, il termine 53e dans l’anonymat complet. Mais le plus grand résultat de son année 2014 est encore à venir. Le Piccolo Giro di Lombardia est un galop d’essai avant de se mesurer à sa grande sœur monumentale. Face à un plateau rassemblant les meilleurs coureurs espoirs, Moscon s’isole près de l’arrivée avec Latour et Dylan Teuns. Au sprint, Italien et Belge font jeu égal, mais c’est bien le coureur de la Zalf qui lève les bras. Devançant des grands espoirs du cyclisme comme Peters, Vliegen ou encore Ciccone, Moscon se paie une petite célébrité. Désormais, il est le chassé et non le chasseur.

Moscon triomphant en Lombardie devant Dylan Teuns

Malgré l’intérêt de plus grosses équipes italiennes, Moscon garde sa fidélité au maillot vert de la Zalf. Ses résultats probants de l’année précédente lui ouvrent les portes de grandes courses nationales où il devra faire ses preuves face à des coureurs beaucoup plus expérimentés que lui. Dire que son début de saison est idéal serait certainement exagéré, mais le fait est que Moscon gère parfaitement ses premiers tours de roue de 2015. 4e à Firenze-Empoli et au Circuito Juvesport, il monte sur le podium dès le 8 mars au Trofeo Franco Balestra (2e), puis sur la plus haute marche deux semaines plus tard au GP San Giuseppe. Les courses et les résultats s’enchainent inlassablement, que ce soit la Settimana Internazionale Coppi e Bartali où il fait jeu égal avec les meilleurs espoirs (devançant un certain Giulio Ciccone, vainqueur d’étape sur le dernier Giro), le GP Palio del Recioto où il lève de nouveau les bras, et le GP Piva conclu par une 4e place. Six jours plus tard se présente le plus grand défi de la jeune carrière de Moscon. Une première course pavée est toujours un moment spécial, mais lorsqu’il s’agit du Ronde espoirs, l’adrénaline est dopée. Sans aucune référence sur ce type de course, le coureur de la Zalf arrive avec Edmondson à Oudenaarde. Au sprint, l’Australien règle le Trentino, qui ne fait « que » deuxième. Ce résultat met en exergue la capacité de Moscon à être là le jour J, à toujours performer là où on l’attend, marque des plus grands. Les courses par étapes à venir, notamment le Tour du Trentin – un gros défi pour le régional de 21 ans – et la Course de la Paix U23, confirment que le natif de Trente n’est pas un grimpeur mais profite des autres terrains pour aller chercher des beaux accessits, et faire une razzia sur les grands prix régionaux (4 victoires en deux semaines !).

Un repos est enfin bienvenu après ces six victoires, un record pour lui, qui un mois plus tard lui confèrent une stature d’épouvantail au championnat d’Italie espoirs. Il n’y déçoit pas, levant les bras à Superga pour ce qui est selon lui la plus belle victoire de sa jeune carrière. Mais loin d’être rassasié, Moscon fait honneur à son nouveau statut dès sa course de reprise au Trofeo Almar. Paré de vert, blanc et rouge, l’italien montre une nouvelle facette de son talent sur un parcours pour une fois exempt de difficulté. Il s’y impose en costaud, et ce pour la 8e fois de l’année ! De quoi lui donner des ambitions pour le Tour de l’Avenir malgré un parcours montagneux pas à son avantage et un plateau ultra-relevé. Ce sont cette fois des qualités de rouleurs qu’il démontre, seulement battu sur le prologue par Soren « Krack » Andersen. Dès le retour des difficultés, Moscon joue les premiers rôles. 2e des cadors sur un terrain vallonné, le véritable challenge arrive le lendemain avec une étape montagnarde se concluant au sommet du Mont Valezan. Notre ingénieur s’accroche pour finalement terminer 7e et conserver un bon classement final en ligne de mire, à défaut d’une victoire inaccessible. Alors 5e, Moscon sort hélas par la petite porte, non-partant le lendemain. Pour sa première saison complète, il montre logiquement des signes de fatigue et clôture sa saison sur une note plus contrastée, entre un nouveau succès sur le GP San Luigi, une belle 4e place aux mondiaux de Richmond, mais aussi plusieurs abandons. Comment lui en tenir rigueur alors qu’il l’a emporté à 9 reprises cette année ? Ce palmarès lui attire les faveurs de plusieurs formations World Tour. Moscon a alors mérité le luxe de choisir celle qui paraît à bien des égards comme la plus puissante : la Sky.

Première victoire de Moscon paré du drapeau italien au Trofeo Almar devant Mihkel Rhäim et Lennard Hofstede

Contrairement au cliché répandu voulant que la formation de Dave Brailsford soit un broyeur de talents, des contre-exemples existent. Au sein de l’équipe quadruple vainqueur du Tour de France, Moscon va ainsi s’épanouir et encore progresser. Cette fois-ci, plus question de participer à des courses U23 : pour la première fois de sa carrière, l’ingénieur trentino va courir une saison de pro. Moscon commence 2016 en tant qu’équipier : aux trophées de Majorque (pour Fenn) et au Dubai Tour (pour Viviani). C’est fin février, à la Ruta del Sol, que le champion d’Italie U23 dispose de plus de latitude. En résulte une 11e place sur une étape plutôt vallonnée et un top 15 sur le chrono. On le retrouve à l’avant d’une course quelques jours plus tard, dans les très exigeants strade bianche. Il y finit 18e, dans le groupe de Visconti, Jungels, Kwiatkowski ou encore Gesink. Son premier top 10 intervient au sprint, au Nokere-Koerse (8e). Dans ces conditions, difficile de ne pas en faire un favori de la Settimana Internazionale Coppi e Bartali. Signe fort, la Sky lui permet d’être leader sur cette épreuve, malgré la présence de Mikel Landa ou Sebastian Henao à ses côtés. L’ancien de la Zalf confirme son potentiel en décrochant la 3e place au général, à laquelle s’ajoute un podium et un top 5 d’étape. Face à certaines de ses anciennes connaissances (comme Ciccone) ou des coureurs plus expérimentés (Pirazzi, Nocentini), Moscon ne se fait battre que par Firsanov et Finetto. Moins d’un mois plus tard, le trentino participe à son premier monument : Paris-Roubaix. Tenant un rôle d’équipier pour Rowe et Stannard, il se fait remarquer à cause de la chute qu’il provoque. Alors en tête à travailler pour ses coéquipiers, sa mésaventure entraîne au sol le premier de ses leaders : Luke Rowe. Malgré cela, Stannard terminera sur le podium et Moscon 38e, dans le même groupe qu’un certain Fabian Cancellara. Son prochain objectif est alors dans le Yorkshire, dans la patrie de son équipe. Dans l’étape reine vallonnée, il manque le bon coup et se retrouve en chasse-patate avec son co-leader Nordhaug. Il y finit 7e, ce qui sera aussi sa place au général.

Vient alors pour l’Italien un temps de repos. Nous sommes alors début mai, et si Moscon n’a pas encore levé les bras, il enchaîne les résultats probants sur des courses très relevées. Il reprend la compétition au Tour de Slovénie. Malgré la présence d’une rude étape de montagne, il profite du contre-la-montre pour se placer dans le top 10. Hélas, des bordures lors de la dernière étape le font chuter à la 13e place. Viennent alors les championnats d’Italie. Avec un parcours en ligne qui lui convient bien et ses qualités de rouleur, Moscon peut rêver à deux podiums, voire plus. Sur le contre-la-montre, il rate la médaille de bronze que pour 18 secondes face à Moser. Le scénario du parcours en ligne est encore plus cruel. Dans le groupe se jouant la gagne et face à des coureurs moins rapides que lui, Moscon rate le coche et se place 5e. L’Artic Race of Norway est la prochaine course sur laquelle notre coureur s’aligne. Le plateau est plutôt maigre, seul Philippe Gilbert paraît sur le papier plus fort que lui. Face à cette concurrence moindre et avec une grosse équipe Sky à ses côtés, Moscon peut viser un beau résultat. Cela va se réaliser lors de la quatrième étape, au Korgfjellet. Sur cette ascension de 9 bornes à 6%, l’espoir italien attaque juste avant la flamme rouge. Grâce à un bon travail d’équipe, il retrouve devant Henao en compagnie de Clement et Hoem. Prolongeant son effort, il décroche tout le monde de sa roue pour s’imposer, ravissant par là-même le général et les 500 kilos de saumon qui vont avec. Le jour est à marquer d’une pierre blanche : pour sa première victoire chez les pros, Moscon fait coup double avec le général, coup triple même avec le classement des jeunes. Lui qui n’était connu que nationalement commence à gagner une notoriété continentale… Redescendu de son nuage, Moscon s’aligne au tour du Poitou-Charentes avec en ligne de mire le chrono. L’étape précédente, il réussit à finir dans le top 10 d’un sprint en compagnie de Colbrelli, Swift, Petit & co. L’effort solitaire lui permet de grappiller quelques places au général, même d’entrer dans le top 5 ! En août, Moscon totalise donc une victoire et une 5e place, dans les classements généraux de courses plutôt relevées. Mieux encore : sur les très relevées classiques canadiennes, l’Italien réussit par deux fois à être acteur de la course aux côtés de grands noms : à Québec, il attaque dans le dernier tour en compagnie de Matteo Trentin et Julian Alaphilippe, sans que ce mouvement soit victorieux. A Montréal, il est toujours dans les bons coups avec Sagan, lui permettant de faire 6e au finish. Sa fin de saison est un peu plus terne entre une 14e place à la Coppa Agostini et un finish dans l’anonymat aux championnats d’Europe (76e). Mais après un tel exercice 2016, il est logique que ce bourreau de travail arrive à ses limites.

Moscon, assurément un gros poisson pour la Sky

 

Plus Philippe Gilbert qu’Alejandro Valverde, Gianni Moscon représente le futur de l’Italie et de la Sky. Son profil se rapproche de celui de Fabio Felline : fort dans les vallons, rapide, bon rouleur… Mais le coureur de la Trek semble privilégier les courses par étapes, alors que Moscon se montre de plus en plus lors de classiques. A 22 ans, l’ingénieur trentino à l’avenir devant lui. S’il n’a pas été broyé par la Sky mais au contraire bonifié par les méthodes anglaises, c’est surtout grâce à sa force de travail : « The more you put in, the more you get out. » S’il continue sur cette voie-là, nul ne doute que son talent explosera bien plus encore. Reste à savoir où : sur les pavés, dans les vallons, en contre-la-montre ou, plus improbable, en montagne ?

 Par Jean-Baptiste ( Schleckpower ) .

Crédit Photo : Norwegian Seafood Council via Flick.fr / Ronan Caroff via Flick.fr / http://www.pianetagiovani.com/bresciaciclismo/article.php?story=20131108052520976 / Soncini
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Re: Gianni Moscon, un nouveau fuoriclasse ?

Messagepar rthomazo » 13 Jan 2017, 19:16

Gianni Moscon me semble être l'un des jeunes les plus prometteurs du peloton, il est vraiment très complet avec des qualités de puncheur et de grimpeur, et sur Paris-Roubaix il m'a bien surpris, j'attends de voir ce qu'il va faire en 2017.
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Re: Gianni Moscon, un nouveau fuoriclasse ?

Messagepar MayodeBain » 19 Jan 2017, 11:03

Coureur prometteur en effet, mais quelle va être sa marge de manoeuvre au niveau WT du côté de chez Sky, notamment sur les classiques ? Je ne sais pas trop quoi attendre de lui sur ce point
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Re: Gianni Moscon, un nouveau fuoriclasse ?

Messagepar Schleckpower » 19 Jan 2017, 11:52

MayodeBain a écrit:Coureur prometteur en effet, mais quelle va être sa marge de manoeuvre au niveau WT du côté de chez Sky, notamment sur les classiques ? Je ne sais pas trop quoi attendre de lui sur ce point


A mon avis sur les grosses courses il va encore faire du larbinage cette saison. Mais je pense qu'il aura sa carte à jouer sur des courses secondaires. Et si comme l'an dernier il en gagne une belle, on pourrait vite le voir aux avants-postes sur des parcours plus prestigieux (peut-être dès la fin de saison) :banana
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Re: Gianni Moscon, un nouveau fuoriclasse ?

Messagepar MayodeBain » 19 Jan 2017, 11:56

Son programme prévisionnel est-il disponible quelque part ? Fera t-il les ardennaises par exemple ? Et aussi découvrira t-il un GT ?
C'est vrai qu'il apparaît encore comme étant trop juste pour avoir un leadership en WT, mais il peut très bien avoir rôle de joker sur certaines courses, sa perf à Montréal le montre.
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Re: Gianni Moscon, un nouveau fuoriclasse ?

Messagepar Schleckpower » 19 Jan 2017, 12:00

Aucune idée, en tout cas je l'ai pas trouvé :?
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Re: Gianni Moscon, un nouveau fuoriclasse ?

Messagepar cunego » 19 Jan 2017, 12:02

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