Écrit le par dans la catégorie Analyses, Coup de bordure.

L’Empire britannique est plus que jamais au sommet du cyclisme mondial. Tandis que Sky règne depuis deux ans sur le Tour de France, que la Grande-Bretagne a enregistré une belle moisson aux JO de Londres et que Mark Cavendish s’est paré d’arc-en-ciel en 2011, les Anglo-Saxons s’apprêtent à garder la main sur l’UCI. La plus haute instance du cyclisme mondial est déjà présidée depuis 8 ans par l’Irlandais Pat Mc Quaid, candidat à sa propre succession. Son challenger s’est présenté en juin. Il s’agit de Brian Cookson, actuel président de British Cycling, la fédération britannique de cyclisme. Qui de l’Anglais ou de l’Irlandais triomphera à Florence le 27 septembre, lors du congrès électoral organisé parallèlement aux championnats du monde sur route ?

Rendre sa crédibilité à l’UCI

L’élection se présente dans un contexte particulièrement défavorable pour l’UCI. La fédération internationale a été chahutée depuis un an et le verdict de l’affaire Armstrong. La mise au jour par l’USADA d’un des réseaux de dopage les plus sophistiqués a jeté l’opprobre sur l’institution basée à Aigle. John Fahey déclarait lui-même que le cyclisme évoluait dans un contexte où la pratique dopante à défaut d’être encouragée était largement tolérée. Les rumeurs ne sont pas démenties malgré les efforts de l’UCI pour amorcer un programme vérité et réconciliation chargé de faire la lumière sur les faits, programme brutalement stoppé en janvier dernier. Pour Pat Mc Quaid, une réélection semble ardue. L’Irlandais est pourtant le digne héritier du système, successeur désigné en 2005 de l’ancien président Hein Verbruggen, alors en poste depuis 1991. Il brigue un troisième mandat, mais il lui faudra faire amende honorable de ses erreurs passées et changer sa ligne de conduite. Il en va de la crédibilité de l’UCI et du cyclisme en général. Depuis quelques années, le cyclisme recule. Il perd du terrain au sein du mouvement olympique, se fâche avec les instances anti-dopage (AMA, USADA, AFLD…) et se voit pointé du doigt, plus que jamais, pour les multiples affaires qu’il génère. Il faut cependant mettre à son crédit une courageuse lutte entamée contre ce fléau. Mc Quaid essaie d’ailleurs de publiciser sa candidature sur ce point. Il devra cependant montrer plus de volonté, alors même que se répandent de nouvelles rumeurs de corruption à son sujet, concernant l’affaire Contador cette fois-ci. Le président sortant avait commencé sa candidature d’une drôle manière, par une lettre ouverte arrogante à l’encontre de son challenger, jugé comme le pantin d’un complot plus vaste contre sa personne par des membres influents de l’UCI.

Pat Mc Quaid

Pat Mc Quaid peut-il être un président crédible ?

 

Brian Cookson, l’homme du changement ?

Face à Pat Mc Quaid, c’est un opposant discret. Brian Cookson s’est plutôt fait remarquer par ses succès que par ses frasques. L’homme a grimpé petit à petit tous les échelons du cyclisme britannique pour se retrouver à la tête de la fédération en 1997. 16 ans plus tard, le bilan est éloquent, tant le cyclisme d’outre-manche a su se hisser au sommet du monde. Même si les mauvaises langues ne peuvent s’empêcher, dans un climat toujours plus suspicieux, d’émettre des doutes sur la véracité de la réussite britannique, celle-ci n’a pour l’instant été émaillée d’aucun scandale, ni ternie par aucune affaire. Brian Cookson est-il l’homme de la situation, capable de reproduire à l’échelle mondiale le cercle vertueux initié en Grande-Bretagne ? En tout cas, il a annoncé la couleur dès l’annonce de sa candidature, publiant un manifeste résumant les grands axes de son travail pour restaurer la crédibilité de l’UCI. Parmi les points mis en avant, la création d’une entité de lutte anti-dopage plus stricte, indépendante du comité directeur et contrôlée par l’AMA, ainsi qu’une transparence plus grande et une meilleure répartition des pouvoirs au sein de l’UCI pour éviter tout conflit d’intérêts. On retrouve également des objectifs plus classiques consistant à promouvoir le cyclisme au niveau mondial tout comme chez les féminines. Le challenger affiche un programme séduisant, plutôt en phase avec son objectif avoué, celui de restaurer la confiance avec l’ensemble du milieu cycliste. Il faut néanmoins se méfier des promesses électorales et ne pas oublier que l’UCI, comme de nombreuses organisations, possèdent en son sein des luttes de pouvoir qui peuvent faire et défaire toutes les bonnes volontés du monde.

Brian Cookson

Brian Cookson sera-t-il l’homme du changement ?

 

Une élection indécise

Dans une semaine, le nouveau président sera élu suite au congrès de Florence. Il convient de revenir sur le mode d’élection pour mieux cerner les enjeux de cette élection. 42 membres déposeront leur vote. Ce sont les représentants des cinq continents, 14 pour l’Europe, 9 pour l’Asie, 9 pour les Amériques, 7 pour l’Afrique et 3 pour l’Océanie. Chacun d’eux a été nommé par son président de confédération, suivant généralement les consignes de vote édictées par chaque continent. Le procédé peut-être qualifié d’obscur et promet une élection particulièrement indécise, si elle a lieu. Les candidats doivent en effet être supportés par leur fédération nationale et l’Irlande s’est refusée à parrainer Mc Quaid. Celui-ci peut compter sur divers soutiens par ailleurs, mais il faudra d’abord que l’UCI change ses statuts pour valider la candidature de son président. L’UEC (Union Européenne de Cyclisme présidée par David Lappartient), réunie en congrès le week-end dernier, s’y est opposée, affichant formellement son soutien à Brian Cookson. L’Europe pèse pour un tiers et il faut une majorité de deux tiers pour changer les règles. La marge est faible et Brian Cookson pourrait s’imposer sans combattre. En admettant que l’élection se déroule normalement, celle-ci resterait indécise. Brian Cookson bénéficie du soutien de l’Europe et vraisemblablement de l’Océanie. Pat Mc Quaid conserve lui de forts soutiens en Afrique et en Asie. Ce serait alors à l’Amérique de trancher et les derniers indicateurs sont plutôt en faveur du challenger, en témoigne le soutien attendu des Etats-Unis.

 

Pat Mc Quaid est-il encore capable d’être un président crédible après tout ce qu’il s’est passé ? Brian Cookson peut-il faire un bon candidat et amener de bénéfiques changements ? Et si vous étiez vous-même candidat à cette élection, quel serait votre programme ?

 

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par CSC_3187,

Crédits photos : Dake, nuestrociclismo.com et humpty77 sous licence Creative Commons pour Wikipédia

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