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De plus en plus de départs étrangers

Le départ d’Italie du Tour de Pologne 2013 remet cette interrogation au premier plan. La Vuelta la première expérimenta la chose, décidant d’un départ de Hollande en 2009, imitée par l’Italie en 2010, qui réédita avec un départ du Danemark en 2012. Mais, bien avant cela, le Tour lui-même décida d’un départ à l’étranger. Encore une fois, ce fut Amsterdam qui accueillit le premier grand départ de l’étranger en 1954. Jusqu’à présent, vingt départs du Tour eurent lieu de l’étranger, toujours d’un pays proche (le cas de plus lointain est l’Irlande). Mais bien des fois j’ai entendu des gens protester, déclarer que le Tour de France, au vu de son patronyme, se devait de rester uniquement en France. La question peut aussi se poser sur des épreuves comme le Tour de l’Ain, qui même s’il reste en France, se permit en 2012 une sortie de son département, vers le Jura.

Un tour de Pologne italien ?

Pour le tour de Pologne, le départ d’Italie avait trois buts. D’abord, il s’agissait d’un énorme coup publicitaire ; les gens ne manqueraient pas de s’enflammer, de s’enthousiasmer ou de critiquer largement un tel choix. En tout cas, de capter leur attention sur la course. On peut aussi viser de cette manière le public italien, lui rendant visite sur son territoire, lui amenant à domicile sa propre épreuve. Cette publicité devait en théorie s’accompagner d’un véritable intérêt pour la course, la durcir, lui amener la montagne si absente des circuits polonais. C’était la volonté d’une course plus débridée, plus passionnante, voulant éviter la suprématie d’un sprinter-puncheur comme Peter Sagan ou Moreno Moser, vainqueur l’année précédente.

Le coup publicitaire fut parfait ; chacun put exprimer son opinion, s’enthousiasmant pour un tel choix ou au contraire pestant contre les dérives des organisateurs. Mais, alors que le tour de Pologne a rendu son verdict, des conclusions peuvent déjà être tirées. La montagne créa une réelle sélection, il serait hypocrite de le nier ; à la sortie du Trentin, seuls 22 coureurs étaient encore en lice pour la victoire finale. Par contre, les écarts entre les premiers étaient plus que resserrés, 11 coureurs se tenant en 22 secondes. Le seul point positif fut l’éjection des rouleurs : le contre-la-montre final aura évité la perte de tout suspense. Néanmoins, il permet de constater la mauvaise organisation des difficultés, le contre-la-montre de 37 kilomètres étant démesurément important face au reste. Les organisateurs attendaient un éclatement complet entre les favoris qui n’eut pas lieu. Des étapes de montagne dès le départ d’une course n’incitent pas à l’offensive ; les favoris sont encore trop proches les uns des autres pour prendre des risques. Le résultat fut prévisible et se résuma à deux courses de côte où les favoris avancèrent groupés, personne n’étant assez fort pour provoquer une sélection.

Tour de Pologne 2013

Incidences sur la course

Le résultat fut limité ; plus encore on peut se demander s’il n’eut pas été préférable de partir de Pologne : au vu des écarts, un parcours accidenté aurait suffit, et la course eut sans doute été plus débridée. Surtout, c’est une partie de son identité que le tour de Pologne a remis en cause. Cette course est destinée aux puncheurs, tracée sur des circuits aux pourcentages exigeants. En aucun cas la montagne n’y a de rôle à jouer. Le tour de Suisse, le Dauphiné sont destinés aux grimpeurs. D’autres courses comme le tour de Romandie aux rouleurs. Paris-Nice souriait souvent aux puncheurs, tout comme Tirreno. Le tour de Pologne avait en revanche cette particularité des circuits, chose intéressante à l’approche des championnats du monde. Chaque course a sa particularité : il s’agit de le reconnaître et de l’exprimer au mieux. La Pologne a voulu imiter le Dauphiné, proposant à la fois montagne, vallons et contre-la-montre. Il eut mieux valu se concentrer sur ce qu’elle sait faire.

L’autre incidence d’un départ lointain est le transfert nécessaire. Au troisième jour, le tour de Pologne s’étreignit à un jour de repos, obligé par le retour en avion. La Vuelta et le Giro avaient connu la même problématique ; le problème étant que deux jours de repos seulement existant, le premier intervenait beaucoup trop tôt, brisait le rythme des coureurs et rendait la deuxième semaine de course beaucoup plus exigeante. C’est également imposer aux coureurs un total changement de températures, de conditions climatiques. Les repères sur la route sont potentiellement aussi différents, les revêtements changeant d’un pays à l’autre, les routes comportant plus ou moins de pièges. Sur ce Tour de Pologne, les coureurs passèrent sans transition de la canicule à la pluie fraîche. Tout cela rend ces départs surtout plus inconfortables qu’autre chose pour les coureurs.

Cavendish présentant le Giro 2012

Un choix profitable au Tour

Néanmoins, cela ne s’affirme qu’en cas de départ éloigné : un départ d’un pays limitrophe n’est pas spécialement problématique, les étapes permettant de rejoindre naturellement les lieux traditionnels de course. L’interrogation peut alors porter sur les parcours. Le départ du Yorkshire l’année prochaine fait grincer des dents ; les gens craignent une première semaine entièrement dévolue aux sprinteurs sur le Tour, non seulement sur le territoire anglais, mais aussi lors de la traversée nécessaire du nord de la France. Mais le débat est biaisé : cette problématique rejoint surtout le tracé des parcours, plus ou moins indépendant de la ville de départ. On peut quand même regretter que l’argent semble avoir été déterminant dans ce choix, refusant l’offre beaucoup plus intéressante sportivement de l’Italie.

C’est là surtout que réside la limite : le choix du départ ne doit pas se faire en contradiction avec l’intérêt de la course, plus encore aller contre le bien-être des coureurs. Les transferts sont à éviter, de même que les tentatives trop innovantes. Un départ d’une autre plage horaire serait trop dur : hors de question de faire partir le Tour de France du Japon ou des États-Unis. En revanche, comment refuser sans la plus extrême mauvaise volonté un départ de l’étranger ? Un événement comme le Tour attire les masses, heureuses de pouvoir admirer les champions ; il serait égoïste d’obliger les étrangers à toujours devoir se déplacer, de leur refuser le confort d’une course à domicile. Le tout est de ne pas tomber dans l’excès. La Vuelta et le Giro en semblent à peu près revenus, la Pologne est tombée sans trop de gravité dans la dérive. Les premiers sont trop isolés, trop encastrés dans la mer pour pouvoir partir régulièrement de l’extérieur. La France, de sa situation centrale, peut en faire profiter la course ; encore devrait-elle se poser plus souvent la question du parcours qui en découle, et pas seulement celle de l’infrastructure du départ.

Et vous, quel est votre avis ? En particulier, que vous inspire le départ anglais du Tour de France 2014 ? Venez en parler sur notre forum !

photos : sportingtours.co.uk / tour de Pologne organisation / AFP

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