Écrit le par dans la catégorie Les forçats de la route, Portraits.

Dimanche, s’est achevée, dans l’ombre du Tour de France, la dix-neuvième édition professionnelle du Tour d’Autriche. L’épreuve mélange, en son palmarès, un panel de grands noms étrangers (Vandenbroucke, Evans,…) et de coureurs locaux qui avaient fait de ce Tour un objectif prioritaire (Glomser, Rohregger). Le parcours, toujours corsé, profite de l’environnement montagneux du pays et offre ainsi régulièrement une arrivée au sommet de la mythique station de ski de Kitzbühl. Contrairement à ses voisins suisses et allemands et malgré cet environnement riche en difficultés, le cyclisme autrichien n’a que très peu compté sur l’échiquier mondial.Voici quatre coureurs qui font ou ont fait l’histoire de ce cyclisme.

Partie 1 : Gerhard Zadrobilek, l’histoire d’un jour

12 août 1989 le peloton se prépare à prendre part à la classique basque de San Sebastian. La liste des partants n’a jamais été aussi prestigieuse pour la jeune classique, l’épreuve a en effet été sélectionnée pour faire partie de la première Coupe du Monde. Les projecteurs sont ainsi braqués sur le leader de l’épreuve, l’Irlandais Sean Kelly et sur ses principaux poursuivants, les hollandais Van Hooydonck et Maassen. Mais c’est un second couteau qui créera la sensation et leur volera la vedette : Gerhard Zadrobilek. Le puncheur signe ici le premier et longtemps seul coup d’éclat d’un cyclisme autrichien qui n’avait jusque là jamais pesé au niveau international.

La renommée passe par la Suisse

Zadrobilek se révèle en 1981 en devenant le plus jeune vainqueur de son tour national, alors amateur, une performance suffisante pour convaincre la modeste équipe professionnelle Suisse Puch de lui donner sa chance. Après une seule saison au sein de l’équipe helvète, c’est de l’autre coté des Alpes qu’il va faire l’essentiel de sa carrière. Pour sa première participation a un grand tour, il est tout proche de s’adjuger une étape du Giro 1984 alors qu’il n’est devancé au terme de la quinzième étape que par Paolo Rosola qui règle au sprint un peloton réduit par les difficultés.
Mais c’est de retour en Suisse qu’il va commencer à faire parler de lui, une saison plus tard sur le réputé Tour du même nom. Profitant d’une échappée en compagnie du local Zimmermman et du portugais Acacia, il relègue à quatre étapes du dénouement, les favoris de l’épreuve Sean Kelly et Andrew Hampsten a plus de cinq minutes. S’il n’arrive pas à revenir sur un Zimmermann logique vainqueur, il réussit à contenir ses poursuivants anglo-saxons pour s’adjuger une place sur le podium de l’épreuve.

Le Tour de sa vie

Les années passent et Zadrobilek ne perce pas vraiment, ceci jusqu’en 1987 quant il rejoint l’équipe Brianzoli. Il inaugure alors son palmarès lorsqu’il remporte le Tour de Vénétie et surtout participe à son premier Tour de France pour lequel son équipe est invitée. Sans leader, l’équipe italienne laisse carte blanche à l’autrichien qui se révèle être son meilleur atout en haute montagne. Il passe inaperçu mais fait preuve d’une régularité sans faille au sein d’un équipe décimée par les abandons (seul l’italien Allochio terminera l’épreuve avec lui). On le remarque quand même au sommet de l’Alpe d’Huez où il franchit la ligne d’arrivée à la dixième place devant le futur vainqueur Stephen Roche. Sa persévérence lui offre une inespérée quatorzième place au classement général final. C’est bien sur la meilleure performance d’un coureur autrichien jusque là sur un grand tour et restera sa propre référence sur une épreuve de trois semaines.

L’apothéose basque

En 1989, Zadrobilek quitte l’Italie pour rejoindre la prestigieuse équipe nord-américaine 7-Eleven, recruté pour soutenir Hampsten sur les grands Tours. S’il aide ainsi son leader à assurer une place sur le podium du Giro, la Grande Boucle s’avère quant à elle désastreuse pour l’américain, qui n’a pas pu récupérer. Zadrobilek, ne jouant plus sa carte personnelle, termine dans l’anonymat du classement général (61ème) de ce qui sera son dernier Tour de France.
Quelques semaines plus tard, l’autrichien prend donc le départ de ce qui restera comme l’apothéose de sa carrière. Zadrobilek part dès le début de l’épreuve en solitaire dans ce qui s’apparente comme une entreprise vouée à l’échec. Dans le peloton, les équipes des principaux leaders, peu inquiétées par la menace d’un homme seul, entament une partie de poker-menteur, personne ne voulant prendre en charge la poursuite. A ce petit jeu-là, le chrono s’affole et l’avance de Zadrobilek atteint vingt-trois minutes à son maximum. Conscient d’avoir laissé bien trop de temps à un coureur ayant pourtant déjà fait ses preuves, le peloton se met à visser pour revenir sur le fuyard. Mais le mal est fait, Zadrobilek conservera plus de deux minutes d’avance sur l’espagnol Antequera et son ancien coéquipier Rominger. Il s’adjuge donc à la surprise générale la Clasica au terme d’un des plus beaux efforts solitaires de l’histoire des courses d’un jour.

L’année 1990 est insipide pour le coureur autrichien qui range alors définitivement son vélo de route pour se consacrer au Mountain Bike. L’occasion pour lui de devenir le seul cycliste à remporter une épreuve de Coupe du Monde de ces deux disciplines. L’homme profite ensuite de sa notoriété pour lancer son entreprise de coaching personnel et pour participer à la version autrichienne de Danse avec les Stars.

Près de vingt-cinq ans après, le nom de Zadrobilek inscrit au palmarès de la Clasica apparaît comme une anomalie au milieu des Theunisse, Indurain et Bugno qui l’ont précédés ou suivis mais récompense finalement tous ces baroudeurs qui animent une classique dans l’espoir d’un miracle, qui n’arrive jamais ou plutôt presque jamais.

Par Holbac, photo Gerhard Zadrobilek.

 

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